S'interroger sur la notion de décadence, nous semble une
nécessité. La décadence est un mot peu usité et son sens est le plus souvent
lié à l'usage "historique" du mot dans ce qui supposé être la chute
de l'empire romain. De manière plus religieuse ou cinématographique c'est la
référence à Sodome et Gomorrhe qui est activée.
La définition de la décadence donnée par le dictionnaire Larousse
est celle-ci :
1. État d'une civilisation, d'une culture, d'une entreprise, etc., qui perd progressivement de sa force et de sa qualité ; commencement de la chute, de la dégradation : Entrer en décadence.
Ce que nous dirait Poutine, c’est donc que notre
civilisation occidentale est finissante. Nous pourrions lui objecter que les difficultés
qu’il rencontre pour « achever la bête », semble bien prouver le
contraire. Pourtant, sa parole raisonne dans les médias et elle nous trouble et
nous interroge.
Du point de vue philosophique nous trouvons, dans le dictionnaire
philosophique de Larousse un article de Magali Bessone où elle déclare :
« Mais si l'histoire est pensée de manière cyclique, la décadence d'un
régime peut n'être qu'un des moments du cycle. Elle est fin d'un âge et début
d'une ère nouvelle. Typiquement dans l'ambiguïté, en ce sens, la décadence a
aussi une fonction positive : elle est un passage nécessaire à la création de
neuf, le moment où la raison devient impuissante à penser le monde tel qu'il se
transforme sous nos yeux, produisant une angoisse morale. C'est l'art, par le
recours à l'imaginaire et l'illusion, qui prend en charge le passage, d'une
part dénonçant l'éclatement ou l'aliénation de l'homme et du monde, d'autre
part annonçant l'unité d'un idéal possible. La décadence (affaiblissement d'une
culture) est alors presque confondue avec la dégénérescence (dénaturation),
mais au sens où il s'agit pour une culture ou une société de changer de nature,
c'est-à-dire de transformer radicalement son rapport au monde. »
Il s’agit bien là de notre propos nous semble-t-il. Ce terme
de « dénaturation », même s’il est entre parenthèse ici, est bien
présent dans le jugement porté par le dictateur russe. Les changements extrêmement rapides de notre
culture sont-ils une dénaturation ou/et un signe d’affaiblissement ?
Ou/et le signe d’une pensée qui
évolue et se dirige vers un autre rapport au monde ?
Que serait véritablement, ce qui pourrait marquer notre
décadence ? ou notre renaissance ? L’un peut-il aller sans l’autre ?
La video de Sir Glubb _ Le texte : https://lesakerfrancophone.fr/wp-content/uploads/2019/09/John_Glubb-Le_Sort_des_Empires_et_la_Recherche_de_leur_Survie.pdf
Le texte de Sir Glubb
Le sort des Empires et la recherche de leur survieSir John GLUBB1977Version : 2019-09-18
Traduction française : 2018 par l’équipe du Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr
Version anglaise : The Fate of Empires and Search for
Survival
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution — Pas d’Utilisation
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Présentation
de l’auteur
Introduction
Le destin des Empires
1 Apprendre de l’Histoire
« La seule chose que nous apprenons de l’histoire, » nous diton, « c’est que les hommes n’apprennent jamais rien de l’histoire », une généralisation radicale peut-être, mais que le chaos du monde actuel confirme chaque jour. Quelle peut donc être la raison pour laquelle, dans une société qui prétend explorer chaque problème, les fondements de l’histoire sont encore si complètement inconnus?
Plusieurs raisons à la futilité de nos études historiques peuvent être suggérées. Premièrement, notre travail historique est limité à de courtes périodes qui sont l’histoire de notre propre pays, ou celle d’un âge particulier que, pour quelque raison que ce soit, nous respectons.
Deuxièmement, même dans ces courtes périodes, l’orientation que nous donnons à notre récit est régie par notre propre vanité plutôt que par l’objectivité. Si nous considérons l’histoire de notre propre pays, nous écrivons longuement sur les périodes où nos ancêtres étaient prospères et victorieux, mais nous passons rapidement sur leurs lacunes ou leurs défaites. Notre peuple est représenté comme un héros patriotique, nos ennemis, eux, comme des impérialistes cupides ou comme des rebelles subversifs. En d’autres termes, nos histoires nationales sont de la propagande, pas des enquêtes bien équilibrées.
Troisièmement, dans le domaine de l’histoire du monde, nous étudions certaines périodes courtes, généralement non reliées entre elles, que la mode a rendues populaires à certaines époques. La Grèce 500 ans avant le Christ, la République et le début de l’Empire romain en sont des exemples. Les intervalles entre les grandes périodes sont négligés. Récemment, la Grèce et Rome ont été largement discréditées, et l’histoire tend à devenir de plus en plus l’histoire paroissiale de nos propres pays.
Pour tirer des leçons utiles de l’histoire, il me semble d’abord essentiel de comprendre le principe que l’histoire, pour être significative, doit être celle de la race humaine. Car l’histoire est un processus continu, se développant, changeant et faisant des détours graduellement, mais en général progressant en un seul et puissant courant. Toutes les leçons utiles à tirer doivent être apprises par l’étude de l’ensemble du flux du développement humain, et non par la sélection de courtes périodes, ici et là, dans un pays ou un autre.
Chaque âge et chaque culture dérive de ses prédécesseurs, ajoute sa propre contribution et la transmet à ses successeurs. Si nous laissons de côté diverses périodes de l’histoire, les origines des nouvelles cultures qui leur ont succédé ne peuvent être expliquées.
La science physique a élargi ses connaissances en s’appuyant sur le travail de ses prédécesseurs et en réalisant des millions d’expériences prudentes dont les résultats sont méticuleusement consignés. De telles méthodes n’ont pas encore été employées dans l’étude de l’histoire du monde. Notre travail historique au coup par coup est encore dominé par l’émotion et les préjugés.
2 La vie des Empires
Si nous voulons connaître les lois qui régissent l’ascension et la chute des empires, il est évident que nous devons étudier les expériences impériales enregistrées dans l’histoire, et essayer d’en déduire toutes les leçons qui semblent leur être applicables.
Le mot empire associé à l’Empire britannique, est visualisé par certains comme une organisation constituée d’un pays d’Europe et de colonies dans d’autres continents. Dans le présent essai, le terme empire est utilisé pour désigner une grande puissance, souvent appelée aujourd’hui superpuissance. La plupart des empires de l’histoire ont été de grands blocs terrestres, presque sans possessions outre-mer.
Nous possédons une quantité considérable d’informations sur de nombreux empires enregistrés dans l’histoire, sur leurs vicissitudes et leur durée de vie, par exemple :
Cette liste appelle certains commentaires.
1. Le
présent auteur explore les faits, sans essayer de prouver quoi que ce soit. Les
dates indiquées sont en grande partie arbitraires. En général, les empires ne
commencent ou ne se terminent pas à une date très précise. Il y a normalement
une période progressive d’expansion puis une période de déclin. La ressemblance
dans la durée de ces grandes puissances peut être l’objet d’une réflexion. Les
affaires humaines sont sujettes à de nombreux facteurs aléatoires, et il n’est
pas possible de prévoir qu’elles puissent être calculées avec une exactitude
mathématique.
2. Néanmoins,
il est suggéré qu’il existe une ressemblance suffisante entre les périodes de
vie de ces différents empires pour justifier une étude plus approfondie.
3. La
division de Rome en deux périodes peut être jugée injustifiée. La première,
républicaine, date de l’époque où Rome devint maître de l’Italie et se termine
avec l’avènement d’Auguste. La période impériale s’étend de l’avènement
d’Auguste à la mort de Marc Aurèle. Il est vrai que l’empire a survécu
nominalement pendant plus d’un siècle après cette date, mais il l’a fait dans
une confusion constante de rébellions, de guerres civiles et d’invasions
barbares.
4. Tous
les empires n’ont pas résisté longtemps. L’empire babylonien de Nabuchodonosor,
par exemple, a été renversé par Cyrus, après une durée de vie de seulement
soixante-quatorze ans.
5. Une
déduction intéressante des chiffres semble être que la durée des empires ne
dépend pas de la vitesse de déplacement ou de la nature des armes. Les
Assyriens marchaient à pied et se battaient avec des lances, des arcs et des
flèches. Les Britanniques utilisaient de l’artillerie, des chemins de fer et
des navires de haute mer. Pourtant, les deux empires ont duré environ les mêmes
périodes. De nos jours, on a tendance à dire que c’est l’âge de l’aviation, et
par conséquent il n’y a rien à apprendre des empires du passé. Une telle
attitude semble être erronée.
6. Il
est tentant de comparer la vie des empires avec celle des êtres humains. Nous
pouvons choisir quelqu’un et dire que la vie moyenne d’un être humain dure
soixante-dix ans. Tous les êtres humains ne vivent pas exactement soixante-dix
ans. Certains meurent durant leur enfance, d’autres sont tués dans des
accidents au milieu de la vie, certains survivent jusqu’à l’âge de
quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans. Néanmoins, malgré ces exceptions, nous
sommes justifiés à dire que soixante-dix ans est une estimation juste de
l’espérance de vie d’une personne moyenne.
7. Nous
pouvons peut-être à ce stade nous permettre de tirer certaines conclusions :
— Malgré les accidents de la
fortune et les circonstances apparentes du genre humain à différentes époques,
les durées des différents empires à des époques variées montrent une similitude
remarquable.
— Des changements immenses dans
les technologies de transport ou dans les méthodes de guerre ne semblent pas
affecter les espérances de vie d’un empire.
— Les changements dans les
technologies des transports et de la guerre ont cependant affecté la forme des
empires. Les Assyriens, marchant à pied, ne pouvaient conquérir que leurs
voisins accessibles par voie terrestre : les Mèdes, les Babyloniens, les Perses
et les Égyptiens.
Les Britanniques, utilisant des navires de haute mer,
conquirent de nombreux pays et sous-continents accessibles par l’eau – Amérique
du Nord, Inde, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande – mais ils ne
réussirent jamais à conquérir leurs voisins, France, Allemagne et Espagne.
Mais, bien que les formes des Empires assyrien et
britannique aient été complètement différentes, ils ont tous deux résisté à peu
près la même durée.
3 Le critère humain
Qu’est-ce qui, alors, pouvons-nous nous demander,
peut avoir été le facteur qui a causé une telle similitude extraordinaire dans
la durée des empires, dans des conditions si diverses, et des réalisations
technologiques tout à fait différentes?
L’une des très rares unités de mesure qui n’a pas
sérieusement changé depuis les Assyriens est la génération humaine, une période d’environ vingt-cinq ans. Ainsi,
une période de 250 ans représenterait environ dix générations de personnes. Un
examen plus attentif des caractéristiques de l’ascension et de la chute des
grandes nations peut mettre en valeur la signification possible de la séquence
des générations.
Essayons donc d’examiner
les étapes de la vie des nations les plus puissantes.
4 Première étape : L’expansion
À maintes reprises dans l’histoire, nous trouvons une
petite nation, considérée comme insignifiante par ses contemporains, émergeant
soudainement de sa patrie et envahissant de vastes régions du monde. Avant Philippe II de
Macédoine (359-336 B.C.) la
Macédoine n’avait été qu’un État insignifiant au nord de la Grèce. La Perse
était la grande puissance de l’époque, dominant complètement la région, de
l’Europe de l’Est à l’Inde. Pourtant, en 323 av. J.-C., trente-six ans après
l’avènement de Philippe, l’Empire perse avait cessé d’exister et l’Empire
macédonien s’étendait du Danube à l’Inde, y compris en Égypte.
Cette étonnante expansion peut certes être attribuée
en partie au génie d’Alexandre le Grand, mais cela ne peut être la seule
raison; en effet, bien qu’après sa mort, tout se soit dégradé, les généraux
macédoniens se sont affrontés et ont établi des empires rivaux, mais la
prééminence macédonienne a perduré pendant encore 231 ans.
En l’an 600 de notre ère, le monde était divisé entre
deux superpuissances, comme cela a été le cas ces cinquante dernières années
entre la Russie soviétique et l’Occident. Les deux puissances étaient l’Empire
romain d’Orient et l’Empire perse. Les Arabes étaient alors les habitants
méprisés et arriérés de la péninsule arabique. Ils se composaient
principalement de tribus errantes, et n’avaient aucun gouvernement, aucune
Constitution et aucune armée. La Syrie, la Palestine, l’Égypte et l’Afrique du
Nord étaient des provinces romaines, l’Irak faisait partie de la Perse.
Le prophète Mohammed a prêché en Arabie de 613 à 632
après Jésus-Christ, date de sa mort. En 633, les Arabes sont sortis en force de
leur péninsule désertique et ont attaqué simultanément les deux
superpuissances. En vingt ans, l’Empire perse avait cessé d’exister.
Soixante-dix ans après la mort du Prophète, les Arabes avaient établi un empire
s’étendant de l’Atlantique aux plaines du Nord de l’Inde et aux frontières de
la Chine.
Au début du XIIIe siècle, les Mongols
étaient un groupe de tribus sauvages dans les steppes de Mongolie. En 1211,
Gengis Khan envahit la Chine. En 1253, les Mongols avaient établi un empire
s’étendant de l’Asie mineure à la Mer de Chine, l’un des plus grands empires
que le monde ait jamais connu.
Les Arabes ont gouverné la plus grande partie de
l’Espagne pendant 780 ans, de 712 à 1492. (780 ans avans nos jours dans
l’histoire britannique nous ramèneraient en 1196 et au roi Richard Cœur de
Lion). Pendant ces huit siècles, il n’y avait pas de nation espagnole : seuls
les petits rois d’Aragon et de Castille se cramponnaient dans les montagnes.
L’accord
entre Ferdinand et Isabelle d’un côté et Christophe Colomb de l’autre a été
signé immédiatement après la chute de Grenade, le dernier royaume arabe en
Espagne, en 1492. En cinquante ans, Cortez avait conquis le Mexique, et
l’Espagne était le plus grand empire du monde.
Des exemples d’expansions soudaines par lesquelles
les empires sont nés pourraient être multipliés à l’infini. Ces illustrations
aléatoires doivent suffire.
5 Caractéristiques de l’expansion
Ces expansions soudaines sont généralement
caractérisées par un déploiement extraordinaire d’énergie et de courage. Les
nouveaux conquérants sont normalement pauvres, robustes et entreprenants, et
surtout agressifs. Les empires en déclin qu’ils renversent sont riches mais sur
la défensive. Au temps de la grandeur romaine, les légions creusaient un fossé
autour de leurs camps la nuit pour éviter les attaques surprises.
Mais les fossés étaient de simples terrassements, et
on laissait entre eux de larges espaces à travers lesquels les Romains
pouvaient contre-attaquer. Mais au fur et à mesure que Rome vieillit, les
travaux de terrassement devinrent de hauts murs, à travers lesquels on accédait
seulement par des portes étroites. Les contre-attaques n’étaient plus
possibles. Les légions étaient désormais devenues des défenseurs passifs.
Ce n’est pas tout : la nouvelle nation ne se
distingue pas seulement par la victoire dans la bataille, mais par un esprit
d’entreprise incessant dans tous les domaines. Les hommes se frayent un chemin
à travers les jungles, escaladent les montagnes ou affrontent les océans
Atlantique et Pacifique sur de minuscules coques de noix. Les Arabes
traversèrent le détroit de Gibraltar en 711 avec 12000 hommes, défirent une
armée gothique de plus de deux fois leur force, marchèrent directement sur 400
km de territoire ennemi inconnu et s’emparèrent de la capitale gothique de
Tolède. À la même étape de l’histoire britannique, le capitaine Cook découvre
l’Australie. L’initiative intrépide caractérise ces périodes.
D’autres particularités de la période des pionniers
conquérants résident dans leurs dispositions à improviser et à expérimenter.
Sans être entravés par des traditions, ils adapteront tout ce qui est
disponible pour atteindre leurs objectifs. Si une méthode échoue, ils essaient
autre chose. Non inhibée par des manuels scolaires ou par l’apprentissage du
livre, l’action est la solution à tous les problèmes.
Pauvres, robustes, souvent à moitié affamés et mal
vêtus, ils abondent en courage, en énergie et en initiative, surmontent tous
les obstacles et semblent toujours maîtriser la situation.
6 Les causes de ces expansions raciales
L’instinct moderne est de chercher une raison à tout,
et de douter de la véracité de toute affirmation à laquelle aucune raison ne
peut être trouvée. Tant d’exemples peuvent être donnés de la transformation
soudaine d’une obscure race en une nation de conquérants que la vérité du
phénomène ne peut pas être considérée comme douteuse.
Assigner une cause est plus difficile. Peut-être
l’explication la plus facile est-elle de supposer que la race pauvre et obscure
est tentée par la richesse de l’ancienne civilisation, et qu’il y aurait sans
aucun doute un élément d’avidité dans les invasions barbares pour obtenir du
butin.
Une telle motivation peut être divisée en deux
classes. Le premier est le butin, le pillage et le viol, comme dans le cas
d’Attila et des Huns, qui ont ravagé une grande partie de l’Europe de l’an 450
à 453. Cependant, quand Attila est mort, en une seule année, son empire s’est
désagrégé et ses tribus sont retournées vers l’Est de l’Europe.
Beaucoup de barbares qui ont fondé des dynasties en
Europe occidentale sur les ruines de l’Empire romain, cependant, l’ont fait par
admiration pour la civilisation romaine, et ont eux-mêmes aspiré à devenir
Romains.
7 Un retournement providentiel ?
Quelles que soient les causes qui peuvent être
données pour le renversement des grandes civilisations par les barbares, nous
pouvons ressentir certains avantages qui en découlent. Chaque race sur terre a
des caractéristiques distinctives. Certaines se sont distinguées en
philosophie, certaines dans l’administration, d’autres dans la romance, la
poésie ou la religion, certaines encore avec leur système juridique. Au cours
de la prééminence de chaque culture, ses caractéristiques distinctives sont
portées partout dans le monde.
Si la même nation devait conserver sa domination
indéfiniment, ses qualités particulières caractériseraient de façon permanente
toute la race humaine. Sous le régime des empires, chacun pendant 250 ans, la
race souveraine a le temps d’étendre ses vertus particulières au loin. C’est
alors qu’un autre peuple, avec des particularités tout à fait différentes,
prend sa place, et ses vertus et ses accomplissements sont également
disséminés. Par ce système, chacune des innombrables races du monde jouit d’une
période de grandeur, au cours de laquelle ses qualités particulières sont mises
au service de l’humanité.
Pour ceux qui croient en l’existence de Dieu, en
tant que Souverain et Directeur des affaires humaines, un tel système peut
apparaître comme une manifestation de la sagesse divine, tendant vers la perfection lente et ultime de l’humanité.
8 Au fil de l’Empire
La première étape de la vie d’une grande nation est
donc, après son expansion, une période extraordinaire faite d’initiatives,
d’entreprises, de courage et de hardiesse presque incroyables. Ces qualités
produisent une nation nouvelle et redoutable, souvent sur une période très
courte. Ces victoires précoces, cependant, sont gagnées principalement par la
bravoure imprudente et l’initiative audacieuse[3]. L’ancienne
civilisation ainsi attaquée se sera défendue par ses armes sophistiquées, par
son organisation militaire et sa discipline. Les barbares apprécient rapidement
les avantages de ces méthodes militaires et les adoptent. En conséquence, la
deuxième étape de l’expansion du nouvel empire est caractérisée par des
campagnes plus organisées, disciplinées et professionnelles.
Dans d’autres domaines, l’initiative audacieuse des
conquérants est maintenue − dans
l’exploration géographique, par exemple : pionnier dans de nouveaux pays,
pénétration de nouvelles forêts, escalade de montagnes inexplorées et
navigation sur des mers inexplorées. La nouvelle nation est confiante,
optimiste et peut-être méprisante à l’égard des races décadentes qu’elle a subjuguées.
Les méthodes employées tendent à être pratiques et
expérimentales, à la fois dans le mode de gouvernement et dans la guerre, car
elles ne sont pas liées par des siècles de tradition, comme cela se produit
dans les anciens empires. De plus, les dirigeants sont libres d’utiliser leurs
propres improvisations, n’ayant pas étudié la politique ou la tactique dans les
écoles ou dans les manuels scolaires.
9 Les États-Unis à l’âge des pionniers
Dans le cas des États-Unis d’Amérique, la période
pionnière ne consistait pas en la conquête barbare d’une civilisation
décadente, mais en la conquête des peuples barbares. Ainsi, vu de l’extérieur,
chaque exemple semble être différent. Mais du point de vue de la grande nation,
chaque exemple semble être similaire.
Les États-Unis sont soudainement apparus comme une
nation nouvelle et leur période pionnière a été consacrée à la conquête d’un
vaste continent, et non d’un ancien empire. Cependant, l’histoire subséquente
des États-Unis a suivi le modèle standard que nous tenterons de tracer : les
âges des pionniers, du commerce, de la prospérité, de l’intellectualisme et de
la décadence.
10 Expansion commerciale
La conquête de vastes étendues de terres et leur
assujettissement à un gouvernement agit automatiquement comme un stimulant pour
le commerce. Les marchands peuvent échanger leurs marchandises sur des
distances considérables.
De plus, si l’Empire est vaste, il comprendra une
grande variété de climats, produisant des produits extrêmement variés, que les
différentes régions voudront échanger entre elles.
La rapidité des moyens de transport modernes tend à
créer en nous l’impression que le commerce lointain est un développement
moderne, mais ce n’est pas le cas. Des objets fabriqués en Irlande, en
Scandinavie et en Chine ont été trouvés dans les tombes ou les ruines du
Moyen-Orient, datant de 1000 ans avant Jésus-Christ. Les moyens de transport
étaient plus lents, mais quand un grand empire contrôlait l’espace, le commerce
était libéré des innombrables chaînes qui lui sont imposées aujourd’hui par des
passeports, des permis d’importation, des coutumes, des boycotts et des
ingérences politiques.
L’empire romain s’étendait de la Grande-Bretagne à la
Syrie et à l’Égypte, sur une distance de 4400 km, en ligne droite. Un
fonctionnaire romain, transféré de Grande-Bretagne en Syrie, pouvait passer six
mois en voyage. Pourtant, sur toute la distance, il voyageait dans le même
pays, avec la même langue officielle, les mêmes lois, la même monnaie et la
même administration. Aujourd’hui, une vingtaine de pays indépendants séparent
la Grande-Bretagne de la Syrie, chacun avec son propre gouvernement, ses propres
lois, sa politique, ses droits de douane, son passeport et sa monnaie, ce qui
rend la coopération commerciale presque impossible. Et ce processus de
désintégration continue encore. Même dans les petites régions des nations
européennes modernes, les mouvements provinciaux de sécession ou de dévolution
tendent encore à diviser le continent.
La mode actuelle de l’indépendance a produit un grand nombre de petits États dans le
monde, certains d’entre eux se composant d’une seule ville ou d’une petite île.
Ce système est un obstacle insurmontable au commerce et à la coopération. La
Communauté économique européenne actuelle est une tentative de sécuriser la
coopération commerciale entre de petits États indépendants sur une vaste zone,
mais le projet rencontre de nombreuses difficultés, en raison des jalousies
réciproques de tant de nations.
Même les empires brutaux et militaristes favorisaient
le commerce, qu’ils aient ou non l’intention de faire ainsi. Les Mongols ont
été parmi les conquérants militaires les plus brutaux de l’histoire, massacrant
toute la population des villes. Pourtant, au XIIIe siècle, lorsque
leur empire s’étendait de Pékin à la Hongrie, le commerce des caravanes entre
la Chine et l’Europe atteignit un degré remarquable de prospérité – tout le
voyage se faisait dans un territoire tenu par un gouvernement.
Aux VIIIe et IXe siècles, les
califes de Bagdad obtinrent une richesse fabuleuse en raison de l’immense
étendue de leurs territoires, qui constituaient un seul bloc commercial.
L’empire des califes est maintenant divisé en vingt-cinq nations distinctes.
11 Les
avantages et les inconvénients des empires
En discutant l’histoire de la vie d’un empire
typique, nous avons digressé pour savoir si les empires sont utiles ou
nuisibles à l’humanité. Nous semblons avoir découvert que les empires ont
certains avantages, notamment dans le domaine du commerce, et dans
l’établissement de la paix et de la sécurité dans de vastes régions du globe.
Peut-être devrions-nous également inclure la diffusion de cultures variées à de
nombreuses races. L’engouement actuel pour l’indépendance des unités toujours
plus petites sera sans doute remplacé par de nouveaux empires internationaux.
Les tentatives actuelles de créer une communauté
européenne peuvent être considérées comme une tentative pratique de constituer
une nouvelle superpuissance, malgré la fragmentation résultant de l’engouement
pour l’indépendance. Si cela réussit, certaines des indépendances locales
devront être sacrifiées. Si cela échoue, le même résultat pourra être atteint
par la conquête militaire ou par la partition de l’Europe entre superpuissances
rivales.
La conclusion inévitable semble toutefois être que
les unités territoriales plus vastes sont un avantage pour le commerce et la
stabilité publique, que le territoire soit réalisé par association volontaire
ou par action militaire.
12 Puissance maritime
L’une des façons les plus bienveillantes par laquelle
une superpuissance peut promouvoir à la fois la paix et le commerce, c’est son
contrôle des routes maritimes.
De Waterloo à 1914, la marine britannique a dominé
les mers du monde entier. La Grande-Bretagne s’est enrichie, mais elle a
également rendu les mers plus sûres pour le commerce de toutes les nations et a
empêché les guerres majeures pendant 100 ans.
Curieusement, la question de la puissance maritime
n’a jamais été clairement séparée, dans la politique britannique au cours des
cinquante dernières années, de la question de la domination impériale sur les
autres pays. En fait, les deux sujets sont entièrement distincts. La puissance
maritime n’offense pas les petits pays comme le fait une occupation militaire.
Si la Grande-Bretagne avait maintenu sa marine de
guerre, avec quelques bases navales à l’étranger dans des îles isolées, et
avait donné leur indépendance aux colonies qui l’avaient demandée, le monde
pourrait bien être un endroit plus stable aujourd’hui. De fait, cependant, la
marine britannique a été balayée par le tollé populaire contre l’impérialisme.
13 L’âge du commerce
Retournons maintenant, cependant, à la vie de notre
empire de référence. Nous avons déjà considéré l’âge de l’expansion, quand un
peuple, mal considéré, éclate soudainement sur la scène mondiale avec un
courage et une énergie sauvages. Appelons-le l’âge des pionniers.
Puis nous avons vu que ces nouveaux conquérants
assimilaient les armes sophistiquées des anciens empires et adoptaient leurs
systèmes d’organisation et d’entraînement militaire. Une grande période
d’expansion militaire s’ensuit, que nous pouvons appeler l’âge des conquêtes. Les conquêtes se sont traduites par
l’acquisition de vastes territoires administrés par un seul gouvernement, ce
qui a automatiquement engendré une prospérité commerciale. Nous pouvons appeler
cela l’âge du commerce.
L’âge des
conquêtes, bien sûr, chevauche l’âge
du commerce. Les fières traditions militaires continuent à régner et les
grandes armées gardent les frontières, mais peu à peu le désir de gagner de
l’argent semble tarauder le public. Pendant la période militaire, la gloire et
l’honneur étaient les principaux objets de l’ambition. Pour le commerçant, de
telles idées ne sont que des mots vides, qui n’ajoutent rien au solde bancaire.
14 L’art et le luxe
La richesse qui semble couler, presque sans effort,
sur le pays permet aux classes commerciales de devenir immensément riches.
Dépenser tout cet argent devient un problème pour la communauté des riches
marchands. L’art, l’architecture et le luxe trouvent de riches mécènes. De
splendides bâtiments municipaux et de larges rues confèrent dignité et beauté
aux quartiers riches des grandes villes. Les riches marchands se construisent
pour eux-mêmes des palais, et l’argent est investi dans les moyens de communication,
les autoroutes, les ponts, les chemins de fer ou les hôtels, selon les divers
modèles à travers les âges.
La première moitié de l’ère du commerce semble être
particulièrement splendide. Les anciennes vertus du courage, du patriotisme et
du dévouement au devoir sont toujours présentes. La nation est fière, unie et
pleine de confiance en soi. Les garçons doivent tout d’abord être virils,
marcher droit et dire la vérité. (Il est remarquable que l’accent soit mis, à
ce stade, sur la vertu virile de la véracité, car mentir est une forme de
lâcheté, la peur de faire face à une situation).
Les écoles de garçons sont intentionnellement
brutales. La nourriture frugale, la vie difficile, le fait de briser la glace
pour prendre un bain et des coutumes semblables visent à produire une race
d’hommes forts, hardis et intrépides. Le devoir
est le mot communément enfoncé dans la tête de ces jeunes. L’âge du commerce est également marqué par
une grande entreprise d’exploration de nouvelles formes de richesse.
L’initiative audacieuse est visible dans la recherche d’entreprises rentables
dans les coins les plus reculés de la terre, perpétuant dans une certaine
mesure le courage aventureux de l’âge des
conquêtes.
15 L’âge de l’abondance
Il ne semble pas y avoir de doute que l’argent est
l’agent qui provoque le déclin de ce peuple fort, courageux et sûr de lui. Le
déclin du courage, de l’esprit d’entreprise et du sens du devoir est cependant
progressif.
La première manière par laquelle la richesse détruit
une nation est morale. L’argent remplace l’honneur et l’aventure comme objectif
des meilleurs jeunes hommes. De plus, les hommes ne cherchent généralement plus
à gagner de l’argent pour leur pays ou leur communauté, mais pour eux-mêmes.
Peu à peu, et presque imperceptiblement, l’âge de l’abondance fait taire la voix du
devoir. L’idéal des jeunes et des ambitieux n’est plus la gloire, l’honneur ou
le service, mais le cash.
L’éducation subit la même transformation graduelle.
Les écoles ne visent plus à former des patriotes courageux prêts à servir leur
pays. Les parents et les étudiants recherchent les qualifications éducatives
qui donneront accès aux salaires les plus élevés. Le moraliste arabe, Ghazali
(1058-1111), se plaint dans ces mêmes mots de l’abaissement des objectifs dans
le monde arabe en déclin de son temps. Les étudiants, dit-il, ne vont plus à
l’université pour acquérir des connaissances et de la vertu, mais pour acquérir
ces qualifications qui leur permettront de devenir riches. La même situation
est partout évidente chez nous en Occident aujourd’hui.
16 Zénith
Ce que nous pouvons appeler le zénith d’une nation
couvre la période de transition de l’âge
des conquêtes à l’âge de l’abondance :
l’âge d’Auguste à Rome, celui de Haroun al-Rachid à Bagdad, de Soliman le
Magnifique dans l’Empire ottoman, ou de la reine Victoria en Grande-Bretagne.
Peut-être pourrions-nous ajouter l’âge de Woodrow Wilson aux États-Unis[4].
Toutes ces périodes révèlent les mêmes
caractéristiques. L’immense richesse accumulée dans la nation éblouit les
foules. Il reste assez des anciennes vertus du courage, de l’énergie et du
patriotisme pour permettre à l’État de défendre avec succès ses frontières.
Mais, sous la surface, la cupidité pour l’argent remplace progressivement le
devoir et le service public. Ce changement pourrait donc être résumé comme
passant de l’envie de servir à l’égoïsme.
17 Passage en mode défensif
Un autre changement extérieur qui marque
invariablement le passage de l’âge des conquêtes à l’âge de l’abondance est la
propagation d’une attitude défensive. La nation, immensément riche, ne
s’intéresse plus à la gloire ni au devoir, mais veut simplement conserver sa
richesse et son luxe. C’est une période de défense, de la Grande Muraille en
Chine, au mur d’Hadrien à la frontière écossaise, à la ligne Maginot en France
en 1939.
L’argent étant plus abondant que le courage, la
corruption au lieu des armes est employée pour acheter les ennemis. Pour
justifier ce changement par rapport à la tradition ancienne, l’esprit humain
imagine facilement ses propres justifications. La préparation militaire, ou
l’agressivité, est dénoncée comme primitive et immorale. Les peuples civilisés
sont trop fiers pour se battre. La conquête d’une nation par une autre est
déclarée immorale. Les empires sont méchants. Ce dispositif intellectuel nous
permet de supprimer notre sentiment d’infériorité, lorsque nous lisons
l’héroïsme de nos ancêtres, puis contemplons avec tristesse notre position
aujourd’hui. Ce n’est pas que nous ayons
peur de nous battre, disons-nous, mais nous devons considérer cela comme
immoral, ce qui nous permet même d’adopter une attitude de supériorité
morale.
La faiblesse du pacifisme est qu’il y a encore
beaucoup de peuples agressifs dans le monde. Les nations qui se déclarent peu
disposées à combattre sont susceptibles d’être conquises par des peuples au
stade du militarisme – peut-être même de se voir incorporées dans un nouvel
empire, avec le statut de simples provinces ou de colonies.
Savoir quand être prêt à utiliser la force et quand
céder le pas est un problème humain perpétuel, qui ne peut être résolu qu’au
mieux de ce que nous pouvons faire à chaque situation successive qui se
présente. En fait l’histoire semble indiquer que les grandes nations ne
désarment pas normalement pour des motifs de conscience, mais en raison de
l’affaiblissement du sens du devoir chez leurs citoyens, et de l’augmentation
de l’égoïsme et du désir de richesse et de vie facile.
18 L’âge de l’intellect
Nous avons maintenant, peut-être arbitrairement,
divisé l’histoire de notre grande nation en quatre âges. L’âge des pionniers (ou l’expansion), l’âge des conquêtes, l’âge du
commerce et l’âge de la richesse.
La grande richesse de la nation n’est plus nécessaire pour fournir les simples
nécessités, ou même les luxes de la vie. Des fonds abondants sont également
disponibles pour la poursuite de la recherche de la connaissance.
Les princes marchands de l’âge du commerce recherchent la gloire et les louanges, non
seulement en finançant des œuvres d’art ou en parrainant la musique et la
littérature, mais ils financent également des écoles et des universités. Il est
remarquable de constater avec quelle régularité cette phase suit celle de la
richesse, empire après empire, décalé de plusieurs siècles.
Au XIe siècle, l’ancien empire arabe,
alors en plein déclin politique, était dirigé par le sultan seldjoukide, Malik
Shah. Les Arabes, qui n’étaient plus des soldats, étaient encore les leaders
intellectuels du monde. Pendant le règne de Malik Shah, la construction des
universités et des écoles est devenue une passion. Tandis qu’un petit nombre
d’universités dans les grandes villes avaient suffi aux années de gloire du
monde arabe, une université naissait maintenant dans chaque ville.
De notre vivant, nous avons été témoins du même
phénomène aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Lorsque ces nations étaient au
sommet de leur gloire, Harvard, Yale, Oxford et Cambridge semblaient répondre à
leurs besoins. Maintenant presque chaque ville a son université.
L’ambition des jeunes, une fois engagés dans la
poursuite de l’aventure et la gloire militaire, puis dans le désir de
l’accumulation de la richesse, se tourne finalement vers l’acquisition des
honneurs académiques.
Il est utile de noter ici que presque toutes les
activités suivies avec une telle passion à travers les âges étaient en
elles-mêmes bonnes. Le culte viril de la hardiesse, de la franchise et de la
vérité, qui caractérisait l’âge des
conquêtes, a produit beaucoup de héros vraiment splendides.
L’accès aux ressources naturelles et l’accumulation
pacifique des richesses, qui marquèrent l’âge
du commerce, semblent introduire de nouveaux triomphes dans la
civilisation, dans la culture et dans les arts. De la même manière, la vaste
expansion du champ de la connaissance réalisée par l’âge de l’intellect semble marquer une nouvelle étape du progrès
humain. Nous ne pouvons pas dire que ces changements sont bons ou mauvais.
Les caractéristiques frappantes dans le spectacle
historique d’un Empire sont :
1. L’extraordinaire
exactitude avec laquelle ces étapes se sont succédé, empire après empire, sur
des siècles ou même des millénaires; et,
2. Le
fait que les changements successifs semblent représenter de simples changements
dans la mode populaire – de nouvelles modes et fantaisies qui balaient
l’opinion publique sans raison logique.
Au début, l’enthousiasme populaire
est consacré à la gloire militaire, puis à l’accumulation de la richesse et
plus tard à l’acquisition de la renommée académique.
Pourquoi toutes ces activités légitimes, et même
bienfaisantes, ne pourraient-elles pas être menées simultanément, chacune
d’entre elles avec modération? Pourtant, cela n’a jamais semblé arriver.
19 Les effets de l’intellectualisme
Il y a tant de choses dans la vie humaine qui ne sont
pas rêvées par notre philosophie populaire. La diffusion des connaissances
semble être la plus bénéfique des activités humaines, et pourtant chaque
période de déclin est caractérisée par cette expansion de l’activité
intellectuelle. Tous les Athéniens et les
étrangers qui s’y trouvaient ne passaient leur temps à rien d’autre qu’à dire
ou à entendre quelque chose de nouveau est la description donnée dans les
Actes des Apôtres du déclin de l’intellectualisme grec.
L’âge de
l’intellect s’accompagne de progrès surprenants dans les sciences
naturelles. Au IXe siècle, par exemple, à l’époque de Mamoun, les
Arabes mesuraient la circonférence de la terre avec une précision remarquable.
Sept siècles devaient s’écouler avant que l’Europe occidentale découvre que le
monde n’était pas plat. Moins de cinquante ans après les incroyables
découvertes scientifiques sous Mamoun, l’empire arabe s’est effondré. Aussi
merveilleux et bienfaisant qu’est le progrès de la science, il n’a pas sauvé
cet empire du chaos.
La pleine floraison de l’intellectualisme arabe et
perse ne s’est pas arrêtée après l’effondrement impérial et politique. Par la
suite, les intellectuels ont atteint de nouveaux triomphes dans le domaine
académique, mais politiquement ils sont devenus les serviteurs abjects de
dirigeants souvent analphabètes. Lorsque les Mongols conquirent la Perse au
XIIIe siècle, ils étaient eux-mêmes entièrement incultes et furent
obligés de dépendre entièrement des autorités perses indigènes pour administrer
le pays et percevoir les revenus. Ils ont retenu comme Vizir, ou Premier
ministre, Rashid al-Din, un historien de
réputation internationale. Pourtant, le Premier ministre, en parlant au second
Khan Mongol, fut obligé de rester à genoux tout au long de l’entrevue. Lors des
banquets d’État, le Premier ministre se tenait derrière le siège du Khan, en attente.
Si le Khan était de bonne humeur, il passait de temps en temps à son Vizir un
morceau de nourriture par-dessus son épaule.
Comme dans le cas des Athéniens, l’intellectualisme
mène à la discussion, au débat et à l’argumentation, comme c’est le cas des
nations occidentales aujourd’hui. Ces débats dans les assemblées élues ou les
comités locaux, dans des articles de presse ou dans des interviews à la
télévision, sont interminables et incessants. Les hommes sont très différents
et les arguments intellectuels conduisent rarement à un accord. Ainsi les
affaires publiques vont de mal en pis, au milieu d’une cacophonie incessante d’argumentation.
Mais ce dévouement constant à la discussion semble détruire le pouvoir de
l’action. Au milieu d’une tour de Babel de conversations, le navire dérive sur
les rochers.
20 L’insuffisance de l’intellectualisme
Peut-être le sous-produit le plus dangereux de l’âge de l’intellectualisme est-il la
croissance inconsciente de l’idée que le cerveau humain peut résoudre les
problèmes du monde. Même au niveau le plus bas des affaires courantes, c’est
manifestement faux. Toute activité humaine même petite, le club de boules local
ou le club organisant des déjeuners pour ses dames, nécessite pour sa survie
une dose d’auto-suffisance et de service de la part des membres. Dans une
sphère nationale plus large, la survie de la nation dépend essentiellement de
la loyauté et du sacrifice de ses citoyens.
L’impression que la situation peut
être sauvée par l’intelligence mentale, sans désintéressement ou dévouement
humain, ne peut que conduire à l’effondrement.
Ainsi, nous voyons que la culture de l’intellect
humain semble être un idéal magnifique, mais seulement à la condition qu’il
n’affaiblisse pas le désintéressement et le dévouement humain à son service.
Pourtant, à en juger par les précédents historiques, il semble que c’est
exactement ce qui se passe. Ce n’est peut-être pas l’intellectualisme qui
détruit l’esprit du sacrifice de soi, mais le moins que l’on puisse dire, c’est
que l’intellectualisme et la perte du sens du devoir apparaissent simultanément
dans l’histoire de la vie de la nation.
En effet, il apparaît souvent chez les individus que
la tête et le cœur sont des rivaux naturels. L’intellectuel brillant mais
cynique apparaît à l’extrémité opposée du sacrifice émotionnel du héros ou du
martyr. Pourtant, il y a des moments où l’autodétermination peut-être simpliste
du héros est plus essentielle que les sarcasmes de l’intellectuel.
21 Les dissensions civiles
Un autre symptôme remarquable et inattendu du déclin
national est l’intensification des haines politiques internes. On aurait pu
s’attendre à ce que, lorsque la survie de la nation deviendrait précaire, les
factions politiques abandonneraient leur rivalité et se tiendraient côte à côte
pour sauver leur pays.
Au XIVe siècle, l’empire faiblissant de
Byzance était menacé, et même dominé, par les Turcs ottomans. La situation
était si grave qu’on aurait pu s’attendre à ce que chaque sujet de Byzance
abandonne ses intérêts personnels et se lève avec ses compatriotes dans une
dernière tentative désespérée pour sauver le pays. L’inverse s’est produit. Les
Byzantins passèrent les cinquante dernières années de leur histoire à se battre
les uns contre les autres dans des guerres civiles à répétition, jusqu’à ce que
les Ottomans débarquent et leur administrent le « coup de grâce ».
La Grande-Bretagne a été gouvernée par un Parlement
élu pendant de nombreux siècles. Pendant toutes ces années, les partis rivaux
ont observé de nombreuses lois non écrites. Aucun des partis n’a souhaité
éliminer l’autre. Tous les membres se sont présentés comme des honorables
gentlemen. Mais de telles politesses sont maintenant périmées. Huées, cris et
bruits ont miné la dignité de la Chambre, et les échanges sous le coup de la
colère sont plus fréquents. Nous sommes chanceux si ces rivalités sont réglées au
sein du Parlement, mais parfois ces haines sont portées dans la rue, ou dans
l’industrie sous la forme de grèves, de manifestations, de boycotts et
d’activités similaires. Fidèle au cours normal suivi par les nations en déclin,
les différences internes ne sont pas rapprochées pour tenter de sauver la
nation. Au contraire, les rivalités internes deviennent plus aiguës, à mesure
que la nation s’affaiblit.
22 L’afflux d’étrangers
L’un des phénomènes souvent
répétés des grands empires est l’afflux d’étrangers dans la capitale. Les
historiens romains se plaignent souvent du nombre d’Asiatiques et d’Africains à
Rome. Bagdad, à son apogée au IXe siècle, avait une population
cosmopolite. Perses, Turcs, Arabes, Arméniens, Égyptiens, Africains et Grecs se
mêlaient dans ses rues.
À Londres, aujourd’hui, les Chypriotes, les Grecs,
les Italiens, les Russes, les Africains, les Allemands et les Indiens se
bousculent dans les bus et dans le métro, de sorte qu’il semble parfois
difficile de trouver des Britanniques. La même chose s’applique à New York,
peut-être même plus. Ce problème ne réside pas dans l’infériorité d’une race
par rapport à une autre, mais simplement dans les différences entre elles.
À l’âge de la première
phase d’expansion et à l’âge des
conquêtes,
la race est normalement plus ou moins
homogène sur le plan ethnique. Cet état de choses facilite le sentiment de
solidarité et de camaraderie. Mais dans les âges
du commerce et de l’abondance, toute sorte d’étrangers envahissent la
grande ville dont les rues sont réputées pavées d’or. Comme, dans la plupart
des cas, cette grande ville est aussi la capitale de l’empire, la foule
cosmopolite au centre même de l’empire exerce une influence politique largement
supérieure à son nombre relatif.
Les immigrants étrangers de deuxième ou de troisième
génération peuvent sembler de l’extérieur totalement assimilés, mais ils
constituent souvent une faiblesse dans deux directions. Premièrement, leur
nature humaine fondamentale diffère souvent de celle du stock génétique
impérial original. Si la première race impériale était têtue et lente au
changement, les immigrants pourraient provenir de races plus émotionnelles,
introduisant ainsi des fissures et des schismes dans les politiques nationales,
même si tous sont par ailleurs loyaux.
Deuxièmement, tant que la nation est toujours riche,
toutes les races diverses peuvent sembler également loyales. Mais dans une
situation d’urgence aiguë, les immigrants seront souvent moins disposés à
sacrifier leurs vies et leurs biens que ne le seront les descendants d’origine
de la race fondatrice.
Troisièmement, les immigrants sont susceptibles de
former leurs propres communautés, protégeant principalement leurs propres
intérêts, et seulement au deuxième degré celui de la nation dans son ensemble.
Quatrièmement, beaucoup d’immigrants étrangers
appartiendront probablement à des races initialement conquises et absorbées par
l’empire. Alors que l’empire connaît son plein vent de prospérité, tous ces
gens sont fiers et heureux d’être des citoyens impériaux. Mais quand le déclin
s’installe, il est extraordinaire de voir à quelle vitesse le souvenir des
guerres antiques, peut-être des siècles auparavant, est subitement ressuscité.
Les mouvements locaux ou provinciaux paraissent exiger la sécession ou l’indépendance.
Un jour, ce phénomène apparaîtra sans doute dans l’empire soviétique désormais
apparemment monolithique et autoritaire. Il est incroyable de voir en combien
de temps de tels sentiments provinciaux peuvent survivre.
Des exemples historiques de ce phénomène sont à peine
nécessaires. La populace romaine oisive et captieuse, avec son appétit sans
fin pour des distributions gratuites de nourriture, du pain et des jeux, est
notoire, est complètement différente de cet esprit romain sévère que nous
associons aux guerres de la première république.
À Bagdad, aux jours dorés de Haroun al-Rachid, les
Arabes étaient une minorité dans la capitale impériale. Istanbul, dans les
grands jours de la domination ottomane, était peuplée par des habitants dont
remarquablement peu d’entre eux étaient des descendants des conquérants turcs.
À New York, les descendants des pères pèlerins sont rares et dispersés.
Ce phénomène intéressant est largement limité aux
grandes villes. La race conquérante originelle se retrouve souvent dans une
pureté relative dans les districts ruraux et sur les frontières lointaines.
C’est la richesse des grandes villes qui attire les
immigrants. Comme, avec la croissance de l’industrie, les villes ont de plus en
plus de prépondérance sur les campagnes, l’influence des étrangers dominera de
plus en plus les anciens empires.
Une fois de plus, on peut souligner que je ne veux pas donner
l’impression que les immigrants sont inférieurs au stock génétique plus ancien.
Ils sont simplement différents et ont donc tendance à introduire des fissures
et des divisions.
23 Frivolité
Au fur et à mesure que la nation décline en puissance
et en richesse, un pessimisme universel imprègne progressivement le peuple et
accélère encore le déclin. Il n’y a rien qui réussisse autant que le succès,
et, dans les âges de la conquête et du
commerce, la nation surfe triomphalement sur la vague de sa propre
confiance en soi. La Rome républicaine a été à plusieurs reprises au bord de
l’extinction – en 390 av. JC quand les Gaulois mirent la ville à sac et en 216
av. JC après la bataille de Cannes. Mais aucun
désastre ne pouvait ébranler la résolution des premiers Romains. Pourtant, dans
les dernières étapes du déclin romain, l’empire tout entier était profondément
pessimiste, sapant ainsi sa propre résolution.
La frivolité est la compagne fréquente du pessimisme.
Mangeons, buvons et réjouissons-nous, car demain nous mourrons. La ressemblance
entre diverses nations en déclin à cet égard est vraiment surprenante. La foule
romaine, nous l’avons vu, exigeait des repas gratuits et des jeux publics. Les
spectacles de gladiateurs, les courses de chars et les événements sportifs
étaient sa passion. Dans l’Empire byzantin, les rivalités des Verts et des
Bleus dans l’hippodrome atteignaient l’importance d’une crise majeure.
À en juger par le temps et l’espace qui leur sont
consacrés dans la presse et à la télévision, le football et le baseball sont
les activités qui intéressent aujourd’hui le public en Grande-Bretagne et aux
États-Unis, respectivement.
Les héros des nations en déclin sont toujours les
mêmes : l’athlète, le chanteur ou l’acteur. Le mot célébrité aujourd’hui est utilisé pour désigner un comédien ou un
joueur de football, pas un homme d’État, un général ou un génie littéraire.
24 Le déclin arabe
Dans la première moitié du IXe siècle,
Bagdad connut son point culminant comme ville la plus grande et la plus riche
du monde. En 861, cependant, le calife régnant, Mutawakkil, fut
assassiné par ses mercenaires turcs, qui établirent une dictature militaire qui
dura une trentaine d’années. Pendant cette période, l’empire s’effondra, chacun
des divers dominions et provinces assumant une indépendance virtuelle et
cherchant à préserver ses propres intérêts. Bagdad, jusque-là capitale d’un
vaste empire, vit son autorité se limiter au simple périmètre de l’Irak.
Les travaux des historiens contemporains de Bagdad au
début du Xe siècle sont toujours disponibles. Ils déploraient
profondément la dégénérescence des temps dans lesquels ils vivaient, soulignant
notamment l’indifférence, le matérialisme croissant et le laxisme des mœurs
sexuelles. Ils déploraient également la corruption des fonctionnaires du
gouvernement et le fait que les politiciens semblaient toujours amasser de
grandes fortunes pendant leur mandat.
Les historiens commentent avec amertume l’influence
extraordinaire acquise par les chanteurs populaires sur les jeunes, entraînant
un déclin de la moralité sexuelle. Les chanteurs pop de Bagdad accompagnaient leurs chansons érotiques d’un luth, un
instrument ressemblant à la guitare moderne. Dans la seconde moitié du Xe siècle,
en conséquence, un vocabulaire sexuel obscène se vit de plus en plus utilisé,
tel qu’il n’aurait pas été toléré dans un âge plus précoce. Plusieurs califes
émirent des ordres interdisant les chanteurs pop dans la capitale, mais après quelques années, ils revenaient
sans cesse.
L’augmentation de l’influence des femmes dans la vie
publique a souvent été associée à un déclin national. Les derniers Romains se
sont plaints que, bien que Rome ait gouverné le monde, les femmes régnaient sur
Rome. Au Xe siècle, on observe une tendance similaire dans l’Empire
arabe, les femmes demandant leur admission aux professions jusqu’alors
monopolisées par les hommes. « Quoi, »
écrivait l’historien contemporain Ibn Bessam, « qu’est-ce que les professions de greffier, de collecteur d’impôts ou de
prédicateur ont à voir avec les femmes ? Ces professions ont toujours été
limitées aux hommes. » Beaucoup de femmes pratiquaient le droit, tandis que
d’autres obtenaient des postes de professeurs d’université. Seule la nomination
de femmes juges a provoqué une certaine agitation, laquelle cependant ne semble
pas avoir réussi.
Peu après cette période, le gouvernement et l’ordre
public s’effondraient et des envahisseurs étrangers entraient dans le pays.
L’augmentation de la confusion et de la violence qui en résulta fit qu’il
n’était plus sûr pour les femmes de circuler sans escorte dans les rues, ce qui
entraîna l’effondrement de ce mouvement féministe.
Les troubles qui suivirent la prise de contrôle
militaire en 861 et la perte de l’empire ravagèrent l’économie. À ce moment-là,
on aurait pu s’attendre à ce que tout le monde redouble d’efforts pour sauver
le pays de la banqueroute, mais il n’en fut rien. Au lieu de cela, à ce moment
précis d’austérité commerciale et financière, les habitants de Bagdad
introduisirent la semaine de cinq jours.
Quand j’ai lu pour la première fois ces descriptions
contemporaines de Bagdad au Xe siècle, je pouvais à peine en croire
mes yeux. Je me suis dit que ça devait être une blague! Ces descriptions
pourraient avoir été relevées dans l’édition du Times d’aujourd’hui. La ressemblance au niveau des détails était
particulièrement à couper le souffle – l’effondrement de l’empire; l’abandon de
la morale sexuelle; les chanteurs pop avec
leurs guitares; l’entrée des femmes dans certaines professions réservées; la
semaine de cinq jours. Je ne me risquerais pas à tenter une explication! Il y a
tant de mystères dans la vie humaine qui dépassent de loin notre
compréhension...
25 L’idéologie politique
Aujourd’hui, nous attachons une grande importance à
l’idéologie de notre politique intérieure. La presse et les médias publics des
États-Unis et de la Grande-Bretagne déversent un mépris incessant sur tous les
pays dont les institutions politiques diffèrent de quelque manière que ce soit
de notre propre conception de la démocratie. Il est donc intéressant de noter
que l’espérance de vie d’une grande nation ne semble en aucun cas être affectée
par la nature de ses institutions. Les empires passés montrent presque toutes
les variations possibles de système politique, mais tous passent par la même
procédure depuis l’Âge des Pionniers jusqu’à la Conquête, le Commerce,
l’Affluence puis le déclin et l’effondrement.
26 L’Empire mamelouk
L’empire des
Mamelouks d’Égypte en fournit un bon
exemple, car c’est l’un des plus exotiques jamais enregistrés dans l’Histoire.
Il est également exceptionnel du fait qu’il a commencé un jour fixe et qu’il
s’est terminé un autre jour, précisément, ne laissant aucun doute sur sa durée
précise, 267 ans.
Dans la première partie du XIIIe siècle,
l’Égypte et la Syrie étaient dirigées par les sultans ayyoubides, descendants de la
famille de Saladin. Leur armée était constituée de Mamelouks, esclaves importés
comme des garçons des steppes et entraînés comme des soldats professionnels. Le
1er mai 1250, les Mamelouks se mutinent, assassinent Turan Shah, le
sultan ayyoubide, et deviennent les dirigeants de son empire.
Les cinquante premières années de l’Empire mamelouk
furent marquées par des combats désespérés avec les Mongols jusque-là
invincibles, les descendants de Gengis Khan, qui envahirent la Syrie. En
battant les Mongols et en les chassant de Syrie, les Mamelouks sauvèrent la
Méditerranée du sort terrible qu’avait connu la Perse. En 1291, les Mamelouks
capturèrent Acre et mirent fin aux Croisades.
De 1309 à 1341, l’Empire Mamelouk était partout
victorieux et possédait la plus belle armée du monde. Pendant les cent années
qui suivirent, la richesse de l’Empire mamelouk fut fabuleuse, conduisant
lentement au luxe, au relâchement de la discipline et au déclin, avec des
rivalités politiques intérieures toujours plus amères. Finalement, cet Empire
s’effondra en 1517, à la suite de la défaite militaire contre les Ottomans.
Le gouvernement mamelouk nous paraît tout à fait
illogique et fantastique. La classe dirigeante a été entièrement recrutée parmi
de jeunes garçons, nés dans ce qui est aujourd’hui le sud de la Russie. Chacun
d’eux était enrôlé comme soldat privé. Même les sultans avaient commencé leur
vie en tant que soldats privés et étaient sortis des rangs. Pourtant, ce
système politique extraordinaire aboutit à un empire qui traversa toutes les
étapes normales de la conquête, du mercantilisme, de la prospérité et du déclin
et qui dura à peu près la période habituelle.
27 La race des maîtres
Les gens des grandes nations du passé semblent
généralement avoir imaginé que leur prééminence durerait toujours. Aux yeux de
ses citoyens, Rome apparaissait comme destinée à régner pour toujours sur le
monde. Les califes abbassides de Bagdad déclaraient que Dieu les avait désignés
pour gouverner l’humanité jusqu’au jour du Jugement. Il y a soixante-dix ans,
de nombreuses personnes en Grande-Bretagne croyaient que l’empire perdurerait
toujours. Bien qu’Hitler n’ait pas réussi à atteindre son objectif, il
affirmait que l’Allemagne gouvernerait le monde pendant mille ans. Que des
sentiments comme ceux-là puissent être exprimés publiquement sans susciter la
dérision montre qu’à tous les âges, l’ascension et la chute régulières des grandes
nations passent inaperçues. Les statistiques les plus simples prouvent la
rotation régulière d’une nation après l’autre, à intervalles réguliers.
La croyance que leur nation gouvernera le monde pour
toujours encourage naturellement les citoyens de la nation dirigeante de
n’importe quelle période à attribuer leur prééminence à des vertus
héréditaires. Ils portent dans leur sang, croient-ils, des qualités qui en font
une race de surhommes, une illusion qui les pousse à employer des travailleurs
étrangers bon marché (ou des esclaves) pour accomplir des tâches subalternes et
à engager des mercenaires étrangers pour combattre dans leurs batailles ou voguer
sur leurs navires.
Ces peuples plus pauvres ne sont que trop heureux
d’émigrer vers les cités riches de l’empire, et ainsi, nous l’avons vu,
d’altérer le caractère homogène et étroit de la race conquérante. Ses membres
supposent inconsciemment qu’ils seront toujours les chefs de l’Humanité,
finissent par se disperser et passent une partie croissante de leur temps à se
distraire, à s’amuser ou à faire du sport.
Au cours des dernières années, l’idée s’est
largement répandue en Occident que le progrès
serait automatique, sans effort, que tout le monde continuerait à
s’enrichir et que chaque année montrerait une élévation du niveau de vie. Nous n’avons pas tiré de l’histoire la
conclusion évidente que le succès matériel est le résultat du courage, de
l’endurance et du travail acharné – une conclusion pourtant évidente de
l’histoire de l’élévation fulgurante de nos propres ancêtres. Cette assurance
de sa propre supériorité semble aller de pair avec le luxe résultant de la
richesse, sapant le caractère de la race dominante.
28 L’État providence
Lorsque l’État-providence fut introduit en
Grande-Bretagne, il fut salué comme une nouvelle marque dans l’histoire du
développement humain.
L’histoire, cependant, semble suggérer que l’âge du déclin d’une grande nation est
souvent une période qui montre une tendance à la philanthropie et à la
sympathie pour les autres races. Cette phase peut ne pas être en contradiction
avec le sentiment décrit dans le paragraphe précédent, que la race dominante a
le droit de gouverner le monde. Pour les citoyens de la grande nation, il
s’agit de jouer le rôle de Lady Bountiful[5].
Tant qu’il conserve son statut dirigeant, le peuple
impérial est heureux d’être généreux, même s’il est légèrement condescendant.
Les droits de citoyenneté sont généreusement accordés à toutes les races, même
celles qui étaient autrefois assujetties, et l’égalité de l’Humanité est
proclamée. L’Empire romain a traversé cette phase, quand l’égalité citoyenne a
été ouverte à tous les peuples, des provinciaux devenant même des sénateurs et
des empereurs.
L’Empire arabe de Bagdad était également généreux, peut-être même plus. À
l’époque des conquêtes, les Arabes de race pure avaient constitué une classe
dirigeante, mais au IXe siècle, l’empire était complètement
cosmopolite.
L’aide de l’État aux jeunes et aux pauvres était
également généreuse. Les étudiants des universités recevaient des subventions
du gouvernement pour couvrir leurs dépenses pendant qu’ils faisaient des études
supérieures. L’État offrait également un traitement médical gratuit aux
pauvres. Le premier hôpital public gratuit fut ouvert à Bagdad sous le règne de
Haroun al-Rachid (786-809) et, sous son fils Mamoun, des hôpitaux
publics gratuits virent le jour dans tout le monde arabe, de l’Espagne à
l’actuel Pakistan.
L’impression qu’il sera toujours automatiquement
riche fait que l’Empire en déclin continue somptuairement de prodiguer sa
générosité, jusqu’à ce que l’économie s’effondre, que les universités soient
fermées et que les hôpitaux tombent en ruine.
Il est peut-être incorrect d’imaginer
l’État-providence comme la marque supérieure des réalisations humaines. Cela
peut simplement s’avérer être une étape assez normale dans la vie d’un empire
vieillissant et décrépit.
29 Religion
Les historiens des périodes de décadence font souvent
référence à un déclin de la religion, mais, si nous étendons notre enquête sur
une période couvrant les Assyriens (859-612 av. J.-C.) jusqu’à nos jours, nous devons
interpréter la religion dans un sens très large. On peut lui donne cette
définition : « le sentiment humain qu’il
y a quelque chose, une puissance invisible, en dehors des objets matériels, qui
contrôle la vie humaine et le monde naturel. »
Nous sommes probablement trop étroits et méprisants
dans notre interprétation du culte des idoles. Les gens des civilisations
anciennes étaient aussi sensibles que nous, et n’auraient guère eu l’imprudence
d’adorer des bâtons et des pierres façonnés de leurs propres mains. L’idole
n’était pour eux qu’un symbole, et représentait une réalité spirituelle
inconnue, qui contrôlait la vie et exigeait l’obéissance humaine à ses
préceptes moraux.
Nous savons tous trop bien que des différences
mineures dans la visualisation humaine de cet Esprit sont fréquemment devenues
les raisons affichées des guerres humaines, où les deux parties prétendaient se
battre pour le vrai Dieu. Mais l’absurde étroitesse des conceptions humaines ne
devrait pas nous aveugler sur le fait que, très souvent, les deux parties
croyaient que leurs campagnes avaient un fond moral. Gengis Khan, l’un des plus brutaux de
tous les conquérants, prétendait que Dieu lui avait délégué le devoir
d’exterminer les races décadentes du monde civilisé. Ainsi l’ère des conquêtes
avait souvent une sorte d’atmosphère religieuse, ce qui impliquait un sacrifice
héroïque de soi pour la cause.
Mais cet esprit de dévouement s’érode lentement à l’âge du commerce par l’action de
l’argent. Les gens gagnent de l’argent pour eux-mêmes, pas pour leur pays.
Ainsi, les périodes de prospérité dissolvent graduellement l’esprit de service
qui avait provoqué la montée des races impériales.
En temps voulu, l’égoïsme imprègne la communauté,
dont la cohérence est affaiblie jusqu’à ce que la désintégration menace. Puis,
comme nous l’avons vu, vient la période du pessimisme avec l’esprit de
frivolité qui l’accompagne et l’indulgence sensuelle, sousproduits du
désespoir. Il était inévitable à ce moment-là que les hommes se remémorent les
jours anciens de religiosité quand
l’esprit de sacrifice était encore assez fort pour que les hommes soient prêts
à donner et à servir, plutôt qu’à arracher.
Mais
tandis que le désespoir peut pénétrer la plus grande partie
de la nation, d’autres réalisent une
nouvelle prise de conscience du fait que seule la disponibilité au sacrifice de
soi peut permettre à une communauté de survivre. Certains des plus grands
saints de l’histoire vivaient en période de décadence nationale, élevant la
bannière du devoir et du service contre le flot de la dépravation et du
désespoir.
De cette manière, au sommet du vice et de la
frivolité, les graines du renouveau religieux sont tranquillement semées. Après
peut-être plusieurs générations (voire des siècles) de souffrance, une fois que
la nation appauvrie a été purgée de son égoïsme et de son amour de l’argent, la
religion reprend son cours et une nouvelle ère s’installe. « C’est bon pour moi que je sois affligé, dit
le psaume, afin que j’apprenne ta loi. »
30 Nouvelles combinaisons
Nous avons tracé la montée en puissance d’une race
obscure vers la renommée, à travers les étapes de la conquête, du
mercantilisme, de la prospérité et de l’intellectualisme, jusqu’à la
désintégration, la décadence et le désespoir. Nous avons suggéré que la race
dominante, à un moment donné, communique ses principales caractéristiques au
monde entier, et se voit en fin de course remplacée par un autre empire. Par ce
moyen, nous avons spéculé que de nombreuses races se sont succédé en tant que
superpuissances, et à leur tour, elles ont légué leurs qualités particulières à
l’humanité en général.
Mais l’objection peut ici être soulevée qu’un jour
viendra où toutes les races du monde auront à leur tour joui de leur période de
domination puis se seront de nouveau effondrées dans la décadence. Quand toute
la race humaine aura atteint le stade de la décadence, où trouverons-nous de
nouvelles races conquérantes pleines d’énergie?
La
réponse est d’abord partiellement obscurcie par notre habitude moderne de
diviser la race humaine en nations, que nous semblons considérer comme des
compartiments étanches, une erreur responsable d’innombrables malentendus.
Autrefois, les nations nomades guerrières
envahissaient les territoires des peuples décadents et s’y installaient. En
temps voulu, elles se mélangeaient avec la population locale, donnant lieu à
une nouvelle race, bien que l’ancien nom soit parfois conservé. Les invasions
barbares de l’Empire romain constituent probablement l’exemple le mieux connu
aujourd’hui en Occident. On a d’autres exemples avec les conquêtes arabes de
l’Espagne, de l’Afrique du Nord et de la Perse, les conquêtes turques de
l’Empire ottoman ou même la conquête normande de l’Angleterre.
Dans tous ces cas, les pays conquis étaient à
l’origine déjà habités et les envahisseurs étaient des armées qui, finalement,
s’installaient et se mélangeaient en produisant de nouvelles races.
De nos jours, il reste peu de conquérants nomades
dans le monde, qui pourraient envahir des pays plus peuplés avec leurs tentes
et leurs troupeaux. Mais les facilités modernes de déplacement ont abouti à un
mélange au moins égal, ou probablement même plus, des populations. L’extrême
amertume des luttes politiques internes modernes produit un flux constant de
migrants de leurs pays d’origine vers d’autres, où les institutions sociales
leur conviennent mieux.
De même, les vicissitudes du commerce et des affaires
font que beaucoup de personnes se déplacent vers d’autres pays, d’abord dans
l’intention de revenir, mais finalement s’installent dans leur nouveau pays.
La population de la Grande-Bretagne a constamment
changé, en particulier au cours des soixante dernières années, en raison de
l’afflux d’immigrants venus d’Europe, d’Asie et d’Afrique et du départ de
citoyens britanniques vers les dominions de l’Empire britannique et les
États-Unis. Ce dernier est, bien sûr, l’exemple le plus évident de la montée
constante de nouvelles nations et de la transformation du contenu ethnique des
anciennes nations à travers ce nomadisme moderne.
31 Décadence d’un système
Il est intéressant de noter que la décadence est la
désintégration d’un système, et non de ses membres individuels. Les habitudes
des membres de la communauté ont été corrompues par la jouissance de trop
d’argent et de trop de pouvoir pendant trop longtemps. Le résultat a été, dans
le cadre de leur vie nationale, de les rendre égoïstes et oisifs. Une
communauté de gens égoïstes et oisifs décline, des querelles internes se
développent autour de la division de ses richesses en déclin, et le pessimisme
s’ensuit, que certains essaient de noyer dans la sensualité ou la frivolité.
Dans leur propre environnement, ils sont incapables de rediriger leurs pensées
et leurs énergies vers de nouveaux projets.
Mais quand les membres individuels d’une telle
société émigrent dans un environnement entièrement nouveau, ils ne restent ni
décadents, ni pessimistes ou immoraux parmi les habitants de leur nouvelle
patrie. Une fois qu’ils ont rompu avec leurs anciennes influences de pensée, et
après une courte période de réajustement, ils deviennent des citoyens normaux
de leurs pays d’adoption. Certains d’entre eux, dans les deuxième et troisième
générations, peuvent acquérir la prééminence et la direction dans leurs nouvelles
communautés.
Cela semble prouver que le déclin de n’importe quelle
nation ne sape pas les énergies ou le caractère fondamental de ses membres. La
décadence d’un certain nombre de ces nations n’appauvrit pas non plus la race
humaine.
La décadence est à la fois une détérioration mentale
et morale, produite par le lent déclin de la communauté auquel ses membres ne
peuvent échapper, tant qu’ils restent dans leur ancien environnement. Mais,
transportés ailleurs, ils abandonnent bientôt leurs modes de pensée décadents
et se montrent égaux aux autres citoyens de leur pays d’adoption.
32 La décadence n’est pas physique
La décadence n’est pas non plus physique. Les
citoyens des pays en déclin sont parfois décrits comme étant physiquement
émasculés, incapable de supporter des difficultés ou de faire de grands
efforts. Cela ne semble pas une image vraie. Les citoyens des grandes nations
en décadence sont normalement physiquement plus grands et plus forts que ceux
de leurs envahisseurs barbares.
De plus, comme cela a été prouvé en Grande-Bretagne
lors de la Première Guerre mondiale, les jeunes hommes élevés dans le luxe et
la richesse ont eu peu de difficulté à s’habituer à la vie dans les tranchées
en première ligne. L’histoire de l’exploration prouve la même chose. Les hommes
habitués à vivre confortablement dans des maisons en Europe ou en Amérique
étaient capables de montrer autant d’endurance que les indigènes dans la
conduite de chameaux à travers le désert ou à se frayer un chemin à travers les
forêts tropicales.
La décadence est une maladie morale et spirituelle,
résultant d’une trop longue période de richesse et de pouvoir, produisant le
cynisme, le déclin de la religion, le pessimisme et la frivolité. Les citoyens
d’une telle nation ne feront plus d’effort pour se sauver eux-mêmes, parce
qu’ils ne sont pas convaincus que quelque chose dans leur vie mérite d’être
sauvé.
33 Diversité humaine
Les généralisations sont toujours dangereuses. Les
êtres humains sont tous différents. La variété de la vie humaine est infinie.
Si c’est le cas avec les individus, c’est encore plus le cas avec les nations
et les cultures. Il n’y a pas deux sociétés, deux peuples, deux cultures qui
soient exactement les mêmes. Dans ces circonstances, il sera facile aux
critiques de trouver de nombreuses objections à ce qui a été dit et de signaler
des exceptions aux généralisations.
Il est utile de comparer la vie des nations à celle
des individus. Il n’y a pas deux personnes identiques dans le monde. De plus,
leurs vies sont souvent affectées par des accidents ou des maladies, ce qui
rend les divergences encore plus évidentes. Pourtant, en fait, nous pouvons
généraliser sur la vie humaine à partir de nombreux aspects différents. Les
caractéristiques de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse, de l’âge mûr
et de la vieillesse sont bien connues.
Certains adolescents, il est vrai, sont prématurément
sages et sérieux. Certaines personnes d’âge moyen semblent encore jeunes
d’esprit. Mais de telles exceptions n’invalident pas le caractère général de la
vie humaine du berceau à la tombe.
J’ose dire que la vie des nations suit un modèle
similaire. Superficiellement, toutes semblent être complètement différentes. Il
y a quelques années, on a suggéré à une certaine société de télévision qu’une
série de conférences sur l’histoire arabe constituerait une séquence
intéressante. La proposition a été immédiatement rejetée par le directeur des
programmes avec la remarque suivante : « Quel
intérêt terrestre l’histoire des Arabes médiévaux pourrait-elle avoir pour le
grand public aujourd’hui? » Pourtant, en fait, l’histoire de l’époque
impériale arabe – de la conquête au mercantilisme, en passant par l’abondance,
l’intellectualisme, la science et la décadence – est un précurseur exact de
l’histoire impériale britannique et a perduré pendant une durée presque égale.
Si les historiens britanniques, il y a un siècle,
avaient consacré une étude sérieuse à l’Empire arabe, ils auraient pu prévoir
presque tout ce qui s’est passé en Grande-Bretagne jusqu’en 1976.
34 Une variété de chutes
Il a été démontré que, normalement, l’ascension et la
chute des grandes nations sont dues à des raisons internes seulement. Dix
générations d’êtres humains suffisent à transformer un pionnier hardi et
entreprenant en un citoyen captif de l’État providence. Mais alors que les
histoires de vie des grandes nations montrent une uniformité inattendue, la
nature de leurs chutes dépend largement des circonstances extérieures et montre
ainsi un degré élevé de diversité.
La République romaine, comme nous l’avons vu, a été
suivie par l’Empire, qui est devenu un super-État, dans lequel tous les
indigènes du bassin méditerranéen, indépendamment de la race, ont obtenus des
droits égaux. Le nom de Rome, à l’origine une ville-État, est passé à un empire
international égalitaire.
Cet empire a éclaté en deux, la moitié occidentale
étant envahie par les barbares du nord, la moitié orientale formant l’empire
romain oriental ou byzantin.
Au IXe siècle, le vaste empire arabe s’est
scindé en plusieurs fragments, dont une ancienne colonie, l’Espagne musulmane,
a dirigé son propre cours sur 250 ans en tant qu’Empire indépendant. Les
patries de Syrie et d’Irak, cependant, ont été conquises par des vagues
successives de Turcs dont elles sont restées les sujets pendant 1000 ans.
D’autre part, l’Empire mamelouk d’Égypte et de Syrie
fut conquis lors d’une simple campagne militaire par les Ottomans, la
population indigène se contentant de changer de maîtres.
L’Empire espagnol (1500-1750) a duré les 250 ans
conventionnels, se terminant seulement avec la perte de ses colonies. La patrie
de l’Espagne est tombée, en effet, de son piédestal de superpuissance, mais
elle a survécu en tant que nation indépendante jusqu’à aujourd’hui.
La Russie des Romanov (1682-1916) a suivi le
processus normal, mais c’est l’Union soviétique qui lui a succédé.
Il est inutile de travailler sur ce point, que nous
pouvons essayer de résumer brièvement. Tout régime qui atteint une grande
richesse et une grande puissance semble avec une régularité remarquable se
désintégrer en une dizaine de générations. Le sort ultime de ses composantes ne
dépend cependant pas de sa nature interne, mais des autres organisations qui
apparaissent au moment de son effondrement et parviennent à dévorer son
patrimoine. Ainsi, la vie des grandes puissances est étonnamment uniforme, mais
les résultats de leurs chutes sont complètement différents.
35 Insuffisance de nos études historiques
En fait, les nations modernes occidentales n’ont tiré
qu’une valeur limitée de leurs études historiques, parce qu’elles ne les ont
jamais suffisamment approfondies. Pour que l’Histoire ait du sens, comme nous
l’avons déjà dit, ce doit être l’Histoire de la race humaine.
Loin d’atteindre un tel idéal, nos études historiques
se limitent en grande partie à l’histoire de notre propre pays retraçant le
cours de sa vie actuelle. Ainsi, le facteur temps est trop court pour que les
très longs rythmes de la montée et de la chute des nations puissent être
remarqués. Comme l’a indiqué le directeur de la télévision, il ne nous vient
jamais à l’esprit que des périodes plus longues pourraient être intéressantes.
Quand nous lisons l’histoire de notre propre nation,
nous trouvons que les actions de nos ancêtres sont décrites comme glorieuses,
tandis que celles des autres peuples sont décrites comme méchantes, tyranniques
ou lâches. Ainsi, notre histoire n’est (intentionnellement) pas basée sur des
faits. Nous sommes émotionnellement réticents à accepter que nos ancêtres aient
pu être méchants ou lâches.
Alternativement, il y a des écoles d’histoire politiques enclines à discréditer les
actions de nos anciens dirigeants, afin de soutenir les mouvements politiques
modernes. Dans tous ces cas, l’Histoire n’est pas une tentative de connaître la
vérité, mais un système de propagande consacré à l’avancement des projets
modernes ou à la satisfaction de la vanité nationale.
Les hommes peuvent difficilement être blâmés de ne
pas apprendre de l’histoire qui leur est enseignée. Il n’y a rien à en
apprendre, parce qu’elle n’est pas vraie.
36 Les petites nations
Le mot Empire a
été utilisé dans le présent essai pour désigner les nations qui atteignent le
statut de grandes puissances, ou de superpuissances dans le jargon
d’aujourd’hui – des nations qui ont dominé la scène internationale pendant deux
ou trois siècles. Cependant, à tout moment, il a existé aussi des États plus
petits qui sont restés plus ou moins autonomes. Est-ce que ceux-ci vivent les
mêmes cycles de vie que les grandes nations et passent par les mêmes phases?
Il semble impossible de généraliser sur cette
question. En général, la décadence est le résultat d’une trop longue période de
richesse et de pouvoir. Si le petit pays n’a pas partagé la richesse et le
pouvoir, il ne participera pas à la décadence.
37 Le modèle émergent
Malgré la variété et les complications infinies de la
vie humaine, un schéma général semble émerger de ces considérations. Il révèle
de nombreux empires successifs couvrant quelque 3000 ans, ayant suivi des
stades similaires de développement et de déclin, et ayant, dans une mesure
surprenante, vécu des vies de durée
très similaire.
L’espérance de vie d’une grande nation, semble-t-il,
commence par une expansion violente d’énergie, généralement imprévue, et
aboutit à un abaissement des normes morales, au cynisme, au pessimisme et à la
frivolité.
Si l’auteur actuel était millionnaire, il essaierait
d’établir un département, dans une université quelconque, consacré uniquement à
l’étude du rythme de la montée et de la chute de puissantes nations à travers
le monde.
L’histoire remonte à environ 3000 ans, car avant
cette période, l’écriture n’était pas suffisamment répandue pour permettre la
survie de documents détaillés. Mais durant ces 3000 ans, le nombre d’empires
disponibles pour cette étude est très grand.
Au début de cet essai, les noms de onze d’entre eux
ont été énumérés, mais ceux-ci n’ont inclus que le Moyen-Orient et les nations
modernes de l’Ouest. L’Inde, la Chine et l’Amérique du Sud n’ont pas été
incluses, car l’auteur ne sait rien à leur sujet. Une école fondée pour étudier
la montée et la chute des Empires trouverait probablement au moins vingt-quatre
grandes puissances disponibles pour la dissection et l’analyse.
La tâche ne serait pas facile, si l’espace était si
vaste qu’il devait couvrir pratiquement toutes les grandes nations du monde sur
3000 ans. La connaissance de la langue seule, pour permettre des recherches
approfondies, constituerait un obstacle redoutable.
38 Cela aiderait-il ?
Il est agréable d’imaginer, à partir de telles
études, l’apparition d’un modèle standard de vie des nations, y compris une
analyse des divers changements qui mènent finalement au déclin, à la décadence
et à l’effondrement. Il est tentant de supposer que des mesures pourraient être
adoptées pour prévenir les effets désastreux de la richesse et du pouvoir
excessifs, et donc de la décadence subséquente. Peut-être que certains moyens
pourraient être mis au point pour empêcher l’activiste de l’âge de la Conquête et du Commerce de se détériorer pendant l’âge de l’Intellect, produisant des
discours sans fin mais plus aucune action.
Il est tentant de le penser. Peut-être que si le
modèle de l’ascension et de la chute des nations était communément enseigné
dans les écoles, le grand public en arriverait à la vérité et soutiendrait les
politiques pour maintenir l’esprit de devoir et de sacrifice, pour prévenir
l’accumulation de richesses excessives par une nation, conduisant à la perte du
sens moral de cette nation.
Le sens du devoir et l’initiative nécessaires pour
mener ce projet ne pourraient-ils pas être maintenus parallèlement au
développement intellectuel et aux découvertes dans les sciences de la nature ?
La réponse est douteuse, bien que nous puissions
essayer. Les faiblesses de la nature humaine, cependant, sont si évidentes, que
nous ne pouvons pas être trop confiants dans le succès de cette entreprise. Les
hommes débordants de courage, d’énergie et de confiance en eux ne peuvent être
facilement empêchés de soumettre leurs voisins, et les hommes qui voient
s’ouvrir des perspectives de richesse seront difficilement arrêtables.
Peut-être ne relèverait-il pas de l’intérêt réel de
l’humanité qu’ils en soient ainsi empêchés, car c’est dans les périodes de
richesse que l’art, l’architecture, la musique, la science et la littérature
font les plus grands progrès.
De plus, comme nous l’avons vu dans les grands
Empires, leur création peut donner lieu à des guerres et à des tragédies, mais
leurs périodes de puissance apportent souvent la paix, la sécurité et la
prospérité à de vastes zones de territoire. Nos connaissances et notre
expérience (peut-être nos intellects humains fondamentaux) sont insuffisantes
pour dire si oui ou non l’ascension et la chute des grandes nations est le
meilleur système pour le meilleur des mondes possibles.
Ces doutes, cependant, ne doivent pas nous empêcher
d’essayer d’acquérir plus de connaissances sur l’ascension et la chute des
grandes puissances, ou d’essayer, à la lumière de ces connaissances,
d’améliorer la qualité morale de la vie humaine.
Peut-être, en effet, arriverons-nous à la conclusion
que l’ascension et la chute successives des grandes nations sont inévitables et
répondent, en fait, à un système divinement ordonné. Mais même cela serait un
gain immense. Car nous devrions savoir où nous en sommes par rapport à nos
frères et sœurs humains. Dans notre état actuel de chaos mental sur le sujet,
nous nous divisons en nations, en communautés qui se battent, se haïssent et se
dénigrent les unes les autres au sujet de développements qui peuvent bien être
divinement ordonnés mais qui nous semblent, si nous adoptons une vision plus
large, totalement incontrôlables et inévitables. Si nous pouvions accepter ces
grands mouvements comme échappant à notre contrôle, il n’y aurait aucune excuse
pour que nous nous haïssions les uns les autres à cause d’eux.
Si variée, déroutante et contradictoire que puisse
être l’histoire religieuse du monde, la plus noble et la plus spirituelle des
dévotes de toutes les religions semble parvenir à la conclusion que l’amour est
la clé de la vie humaine. Toute expansion de nos connaissances qui peut
conduire à une réduction de nos haines injustifiées en vaut donc certainement
la peine.
39 Résumé
Comme de nombreux points d’intérêt sont apparus au
cours de cet essai, je termine avec un bref résumé, pour rafraîchir l’esprit du
lecteur.
1. Nous
n’apprenons pas de l’Histoire parce que nos études sont brèves et
préjudiciables.
2. D’une
manière surprenante, 250 ans apparaissent comme la durée moyenne de la grandeur
nationale.
3. Cette
moyenne n’a pas varié depuis 3000 ans. Est-ce que cela représente dix
générations ?
4. Les
étapes de l’ascension et de la chute des grandes nations semblent être :
a) L’âge
des pionniers (explosion) ;
b) L’âge
des conquêtes ;
c) L’âge
du commerce ;
d) L’âge
de l’abondance ;
e) L’âge
de l’intellect ;
f) L’âge
de la décadence.
5. La
décadence est marquée par :
a) Passage
en mode défensif ;
b) Pessimisme
;
c) Matérialisme
;
d) Frivolité
;
e) Un
afflux d’étrangers ;
f) Un
État providence ;
g) Un
affaiblissement de la religion.
6. La
décadence est due à :
a) Période
trop longue de richesse et de pouvoir ;
b) Égoïsme
;
c) Amour
de l’argent ;
d) Perte
du sens du devoir.
7. Les
histoires de vie des grands États sont étonnamment similaires entre elles et
sont dues à des facteurs internes.
8. Leurs
chutes sont diverses, car elles sont en grande partie le résultat de causes
externes.
9. L’Histoire
devrait être enseignée comme l’histoire de la race humaine, en gardant bien sûr
l’accent mis sur l’histoire du pays de l’élève.
[1] . Les USA ont été ajoutés
par le traducteur. 1846 correspond à la première Guerre d’extension territoriale contre un État constitué,
le Mexique.
[2] . On peut s’ « amuser » à calculer la date de fin de
l’Empire américain selon la valeur basse du tableau (207 ans : Empire romain)
ou la valeur haute (267 ans : l’Empire mamelouk), ou imaginer une fin plus
précoce vu l’état de décomposition avancé de la société américaine.
[3] . On peut imaginer que
beaucoup d’élans ont été impitoyablement liquidés dans le sang par les empires
existants, les plus méritants ayant seuls survécu assez longtemps pour raconter
leur histoire, NdT
[4]
. Ou de Napoléon pour la France, NdT
[5]
. Une femme riche et ostensiblement généreuse, NdT
Serions-nous en décadence ?
Auteur Chat-GPT et Christian Belbeze – 26-09-2024
Introduction
Cet article s’amuse à rechercher pour les 10 critères de
décadence donnés par Chat-Gpt un ou plusieurs marqueurs de la société
française, puis à estimer par une note entre 1 et 10 l’évolution de ce critère
en donnant subjectivement une note sur la stabilité du critère pour des
périodes entre 10 et 30 ans en fonction des chiffres trouvés.
Les 10 critères de Chat-GPT sont ceux-ci
- Perte
des valeurs morales : Lorsque les normes et les principes moraux qui
ont autrefois uni la société se dégradent, entraînant une montée de
l'individualisme, de l'immoralité ou du relativisme moral.
- Désengagement
civique : Une baisse de la participation citoyenne, que ce soit dans
les institutions politiques, les élections ou les organisations sociales,
peut signaler un manque de confiance envers le système ou une indifférence
collective.
- Corruption
généralisée : Lorsque la corruption s'étend aux plus hauts niveaux du
gouvernement, des entreprises ou d'autres institutions, cela peut indiquer
que le système est en train de s'effondrer de l'intérieur.
- Déclin
de la culture et des arts : Un appauvrissement culturel, marqué par
une superficialité croissante dans les arts, la littérature et les médias,
peut refléter un manque de créativité et de profondeur intellectuelle.
- Déséquilibres
économiques extrêmes : Une inégalité croissante entre les riches et
les pauvres, associée à une érosion de la classe moyenne, peut être un
signe de fragilité et d'instabilité sociale.
- Violence
et insécurité accrues : Une hausse de la criminalité, des conflits
sociaux ou des violences généralisées peut indiquer une perte de contrôle
des autorités et une dégradation de la cohésion sociale.
- Érosion
des institutions : Lorsque les institutions publiques, comme les
systèmes juridiques, éducatifs ou sanitaires, cessent de fonctionner
efficacement ou sont minées par l'incompétence ou le désintérêt, cela peut
signaler un affaiblissement du cadre social.
- Manque
d'innovation ou de progrès : Une société en décadence peut cesser de
progresser technologiquement, scientifiquement ou économiquement, se
complaisant dans l'autocongratulation ou la nostalgie des réalisations
passées.
- Nihilisme
ou cynisme généralisé : Un climat de désillusion où les citoyens ne
croient plus en l'avenir, en l'amélioration de leur condition ou en la
pertinence des actions collectives peut être un signe de décadence
spirituelle et psychologique.
- Indulgence
dans l'excès : Une société qui valorise l'hédonisme, l'excès matériel
ou les plaisirs immédiats au détriment de la discipline, de la sobriété ou
des objectifs à long terme peut aussi être en déclin.
Pour chaque critère dans la mesure du possible nous
rechercherons des valeurs chiffrées et les comparerons sur la période disponible.
Nous essayerons d’en tirer une note globale. Ceci afin de déterminer si
effectivement, nous sommes ou pas en décadence. Les notes seront comprises
entre 1 et 10 ou 1 représente une très forte dégradation et 10 une forte
augmentation de la valeur. 5 représentera une stabilité. Pour chaque valeur
nous recherchons donc un élément chiffré. Nous ne prétendons pas être ici dans
un processus scientifique, mais l’apport de valeur chiffrée oblige cependant à
une contre argumentation plus construite et cela nous semble dans ce sens un
exercice valide.
Les marqueurs des mesures choisis le sont tout à la fois
pour des raisons pratiques et pour ce qu’ils semblent liés à la notion. Leur
validité peut aussi faire l’objet de discussion.
Perte des valeurs morales :
Montée de l'individualisme
La montée de l’individualisme nous semble pouvoir se mesurer
au pourcentage de foyer de personne seule ou de parent isolée.
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381486
L’évolution de la taille des foyers montre depuis plus de
cinquante ans une baisse constante. Mais cette baisse semble ralentir. ‘Il est
vrai qu’il est difficile d’être moins de un ». Nous donnerons donc une
note de 2/10 à ce critère.
Montée de l'immoralité
Mesurer la montée de l'immoralité est un défi complexe, car
la moralité est une notion subjective qui varie selon les cultures et les
périodes. Le viol peut ainsi sembler en forte augmentation alors que la
libération de la parole des femmes participe à ce sentiment. Nous avons donc
choisi un critère extrême qui concerne le nombre de meurtres en % de la
population.
Source : https://oscj2.cesdip.fr/agressions/
Si nous restons sur le % de meurtres réussis, celui est en
décroissance. Certes le nombre de tentatives et lui en explosion. Mais nous
resterons le plus factuel possible et n’en tiendrons pas compte. Cependant pour
tenir compte de la remonté depuis 5 ans nous donnerons la note de 7/10.
Relativisme moral
Un élément difficile à mesurer. Nous avons choisi ici le
nombre de personnes contrôlées en états d’alcoolémie au volant sur les 20
dernières années. Le conflit boire ou conduire étant un conflit moral typique.
On ne peut que là aussi constater la baisse. Il faudrait
bien sur pondérer ces chiffres par le nombre de contrôle …. Nous donnerons la
note de 7/10 à ce critère.
Conclusion de Perte des valeurs morales
Avec un 2 en Montée de l'individualisme et un 7 en Montée de
l'immoralité comme en Relativisme Moral. Le critère est globalement noté à une
moyenne 5.3. Nous ne pouvons pas donc
parler véritablement d’une perte des valeurs morales, mais plutôt de
déplacements de zones de responsabilité.
Désengagement civique
3 critères pour cette valeur
Le % de votants, le % de personne inscrite dans les partis
politiques et le % de personnes inscrite dans ONG.
Evolution du % de votants
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6658143
On remarque effectivement une augmentation de l’abstention,
mais plus que cela le nombre de votants semble être lié d’avantage à
l’actualité et au conteste qu’à l’engagement. Nous donnerons ici une note de 2
Evolution du % de personne inscrite dans les partis politiques
Il est très difficile d’obtenir des chiffres exacts. Le
changement des noms des partis ne facilité pas ce travail. Voulant rester dans
une démarche la plus factuelle possible nous ne tiendrons pas compte de ce
critère.
Evolution du % de personnes bénévole dans une association
Le bénévolat associatif diminue depuis 2010. Cette
diminution concerne toutes les générations, mais surtout les plus âgés. La
forte baisse observée en janvier 2022 est liée notamment à la crise du
Covid-19. Cette baisse semble durable chez les plus de 50 ans, tandis qu’on
observe une reprise du bénévolat associatif chez les plus jeunes en 2023.
Source = https://injep.fr/tableau_bord/les-chiffres-cles-de-la-vie-associative-2023-benevolat/
Cette courbe pose bien des questions et notamment sur le
type de bénévolat effectué typiquement par les différentes tranches d’âge. Cependant nous resterons ici aussi factuels
que possible. La diminution est constatée, nous donnerons 3/10 en tenant
compte de l’engagement des jeunes comme un espoir.
Conclusion sur l’évolution du Désengagement civique
Avec une moyenne de 2.5 nous constatons effectivement que le
chiffre peut être compris comme une baisse de l’engagement civique des
populations en France.
Corruption généralisée
Il est difficile de mesure la réalité de la corruption,
puisque sa nature même peut entrainer une non-pénalisation des faits. De plus
une affaire comme celle de Cahuzac peut créer un sentiment de corruption
généralisé alors qu’elle peut être isolée. Les variations de l’indice des
sentiments de corruption ne nous semblent pas valide dans cette étude qui
recherche des chiffres décrivant une réalité. Nous excluons ce critère par
manque de marqueurs valides disponibles.
Déclin de la culture et des arts
Ce qui est important est ici, non pas la consommation
d’objets culturels mais d’avantage leur diversité.
Le cinéma
La production sur les 20 dernières années semble stable en
volume
Livre
Le nombre de livre est lui en augmentation
Nombre d’intermittents
Le nombre d’intermittents en France (musicien, technicien du
spectacle, acteurs, ..) est en augmentation. Et même si les salaires moyens
baissent.
Conclusion déclin de la culture et des arts
Les chiffres des volumes et du nombre de personnes
travaillant dans ce secteur sont globalement en croissance. Nous donnerons une
note de 6.5 sur 10
Déséquilibres économiques extrêmes
Historiquement et jusqu’à 2021 les choses ne sont pas très
claires et le ratio des plus riches sur les plus pauvres D9/D1 reste
relativement stable. Alors que le Ratio (100-s80)/s20 qui rapporte la masse des revenus détenue par les
20 % d'individus les plus riches à celle détenue par les 20 % des personnes les
plus pauvres augment pour retrouver les valeurs de 2012.
Mais il n’en reste pas moins que depuis 2020 le nombre de
personnes définies comme « pauvres » est en augmentation. Il convient
bien sûr de réfléchir à la définition de pauvre tel qu’utilisée par
l’observatoire des inégalités.
Conclusion évolution des déséquilibres économiques extrêmes
Oui il y a une augmentation des déséquilibres économiques.
Nous donnerons à ce critère la note de 3 sur 10 car celle-ci n’est pas très
fortement mesurable. Les chiffres de 2023 et 2024 pourraient cependant abaisser
cette note.
Violence et insécurité accrues
Les vols augmentent rapidement depuis 2020, après une forte
baisse.
Les coups et blessures enregistrés par la gendarmerie eux
augmentent très fortement depuis 2018.
Si nous restons sur ces courbes, nous ne pouvons que noter
un plus grand nombre d’actes déclarés.
Conclusion Violence et insécurité accrues
Nous mettrons arbitrairement la note de 2 sur 10 pour cet
aspect
Érosion des institutions
La liste de nos institutions est celle-ci :
Pouvoir exécutif
Le président de la République
Le Premier ministre et le
gouvernement
Les préfets
Le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie
Pouvoir législatif
Le Parlement, composé de :
L'Assemblée nationale, dite «
chambre basse »
Le Sénat, dit « chambre haute »
Ou trouver un marqueur ? Jacky
HUMMEL, Professeur de droit public, Université de Rennes nous propose le temps
comme marqueur dans son article https://questions-constitutionnelles.fr/prevenir-lerosion-des-institutions-politiques-linscription-de-la-ve-republique-dans-la-longue-duree-de-lhistoire-constitutionnelle/
il nous déclare que : « Si la Ve République, prémunie contre toute
discordance entre légitimité et légalité, semble pouvoir échapper à un tel
processus de décrépitude, elle ne saurait cependant asseoir l’autorité de ses
institutions sur une longévité inattendue. Seul l’accord avec l’intelligence de
son temps (ce que Montesquieu appelait des rapports de convenance entre l’état
politique et l’état social) lui a permis, et lui permettra encore, de durer. »
Mais la France n’est pas seule au monde. Et dans le monde
les institutions des démocraties s’érodent bien.
Source : Wikipédia
Ancienne et attaqué par des idéologies autocratiques qui
montent en puissance, il y a bien une certaine usure de nos institutions.
Conclusion Érosion des institutions
Manque d'innovation ou de progrès
Nous choisirons ici un marqueur des plus simple : Le
nombre de brevet déposés en France.
Source : https://www.inpi.fr/chiffres-cles-de-la-propriete-industrielle-2023-hausse-historique-des-depots-de-brevets-de-56
Source : https://www.challenges.fr/monde/la-chine-reve-d-imperialisme-technologique_757421
Comme on peut le voir, celui-ci est relativement stable
depuis 2015.
Conclusion : Manque d'innovation ou de progrès
Pour cette relative stabilité, nous donnerons la note 5/10 à
ce critère
Nihilisme ou cynisme généralisé
La subjectivité de ce critère ne nous permet pas de le
prendre en compte en tant que tel. Nous lui préférerons un autre concept qui
sera celui de santé mentale des populations, un symptôme de ce qui pourrait
être vu comme la cause.
Si l’on veut qq chose de plus effectifs (en effet les
hospitalisations sont régulées par le nombre de lits disponibles) nous
prendrons en compte alors le nombre de suicides.
Source : https://www.infosuicide.org/reperes/epidemiologie/epidemiologie-france-suicides/
Conclusion Nihilisme ou cynisme généralisé
Les chiffres sont ici stables. Difficile de dire dans quelle
mesure ils sont fiables. Cependant pour garder notre logique, devant la
stabilité des chiffres nous donnerons la note de 5 à ce critère.
Indulgence dans l'excès
Le taux d’épargne des français reste très stable autour de
15% depuis 20 ans
Source : https://www.renaissancepatrimoine.fr/actualite/evolution-epagne-francais-2022/
Cependant la dette a elle explosée durant la même période
Que tirer de ces chiffres ? Ceux qui le peuvent
épargnent davantage compensant ceux qui sont obligé d’emprunter ?
Nous retrouverions alors ici le signe de cette augmentation
de la différence des richesses et non pas une indulgence dans l’excès. Au
contraire même ceux qui le peuvent remplaçant ceux qui ne le peuvent pas dans
la préparation de lendemains potentiellement difficiles.
Conclusion Indulgence dans l'excès
Ici aussi sur la période de 10 ans (difficiles de trouver
d’autres chiffres) les choses sont globalement stables. le La note de 5/10 nous
semble justifiable.
Conclusion Générale
Valeurs |
Note |
Perte des
valeurs morales |
5.3 |
Désengagement
civique |
2.5 |
Corruption
généralisée |
N/A – (8) |
Déclin de
la culture et des arts |
6.5 |
Déséquilibres
économiques extrêmes |
3 |
Violence
et insécurité accrues |
2 |
Érosion
des institutions |
4 |
Manque d'innovation
ou de progrès |
5 |
Nihilisme
ou cynisme généralisé |
5 |
Indulgence
dans l'excès |
5 |
|
|
Moyenne
générale |
4.2 |
La note générale de 4.2 ne semble pas vraiment explicite. Un
ralentissement, une molle stabilité attaquée par des crises de type Covid ?
Un début de décadence ?
Une autre piste de réflexion est sans aucun doute celui d’une
nouvelle société qui se dessine. Celle de moins de gaspillages, de plus d’artistes
mais aussi peut-être de plus de violence et de plus de déséquilibre social. A
moins que l’on se retrouve à parler en mandarin dans quelques décennies ?
再见