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jeudi 24 août 2023

Le rugby la société et la philosophie - Médiathèque de Noé - 23 septembre 2023

Le ballon est-il le symbole du contrat social ?

Le jeu est un jeu ou tout ou presque est permis. C'est dans ce presque et dans le respect de ce oresque que ce situe ce jeu ou un ballon malin comme un singe et vicieux comme un  serpent profite de son ovale pour vous entrainer vers une réalité instable. Mais les cerveaux aussi deviennent instables .... Alors on regarde la coupe du monde de rugby ou pas ?


Alors que 260 rugbymen ont en effet récemment intenté une action en justice contre les fédérations anglaise et galloise, et contre le World Rugby, qui organise les principaux tournois internationaux, pour avoir négligé la santé des compétiteurs. Sel on les estimations du cabinet d’avocat Rylands Garth, qui mène cette procédure, près de 400 joueurs seraient morts prématurément au cours des dix dernières années, du fait de commotions cérébrales. Par ailleurs, beaucoup de ces professionnels souffriront de problèmes neurologiques suite aux chocs sur le terrain – l’ancien pilier de la Nouvelle-Zélande Carl Hayman témoigne être atteint à seulement 43 ans de démence précoce, tout comme l’ancien talonneur de l’équipe anglaise Steve Thompson, 45 ans. Sébastien Vahaamahina, deuxième ligne international du club de Clermont, vient, lui, d’annoncer mettre fin à sa carrière à 31 ans, après une énième commmotion.


 

André Comte-Sponville nous déclare : 
Bien sûr, il y a de la communion… C’est un mot qu’on a beaucoup utilisé lors de la Coupe du monde en 1998, spécialement à propos de la soirée sur les Champs-Élysées. Dieu est mort ; vive le football ! Cela m’inquiète un peu. Ne pouvons-nous plus communier que dans le dérisoire ? Au demeurant, la communion que vous évoquez n’existe guère qu’entre supporters de la même équipe. C’est ce que j’ai observé lorsque j’ai emmené mes trois garçons, très jeunes, au Stade Vélodrome à Marseille. Que de haine et d’agressivité dans les tribunes, vis-à-vis des joueurs de l’équipe adverse et de leurs supporters ! Tout le contraire du respect de l’autre, du fair-play et de la communion ! Comment peut-on arriver à haïr quelqu’un pour le simple fait qu’il joue dans une autre équipe ?

Un jeu, une éthique, une morale, un spectacle, une confrontation, OK, mais le rugby est-il aussi une école de la pensée? _

Raphaël Enthoven

 - Le ballon ovale : https://www.dailymotion.com/video/x3743uh

Michel Serres et le ballon ovale - Le spectacle à la place de la guerre. Les joeurs et les spectacteurs des ensembles flous. : https://www.dailymotion.com/video/x37wk1e



Daniel Herrero -  De quoi on joue ? : https://www.chasseurdesanglier.com/article-rugby-philosophie-et-humanisme-54533623/


L'arbitre - Michel Serres ; https://www.dailymotion.com/video/x15yuq7

Une belle histoire
Le rugby comme otil de rencontre : https://youtu.be/f_HJtGz55TI

A écouter 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/daniel-herrero-le-sens-profond-du-rugby-s-est-affirme-titulaire-d-une-morale-9045402

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/philosophie-du-sport-4-5-philosophie-du-rugby-4163850

Le rugby à XV, entre philosophie et mythologie

Thierry Ménissier

(Paru dans la Revue de la BNF, dossier « Pop philosophie », 2017/1 (n°54), p. 38-45)
Si l’on s’en tient à l’image que le grand public se fait du rugby à XV et de la philosophie, il serait tentant de croire que le premier a peu de chances de convaincre les philosophes : ce sport pratiqué par des hommes endurcis et prêts à en découdre, capables de braver collectivement à la fois les éléments et toutes formes d’adversité, ce combat collectif, qu’a-t-il pour séduire la philosophie, activité essentiellement livresque qui semble relever du calme feutré des salons ou, plus loin encore de la
fureur des stades, des enceintes académiques où la méchanceté humaine est si
policée ?
Pourtant on ne peut ignorer le véritable engouement dont nombre de philosophes font preuve pour le sport roi. Plus exactement, pour ceux qui ne méjugent pas l’activité sportive, le rugby est souvent classé devant – et même loin devant – les autres sports. Ce qui peut sembler à première vue contre-intuitif et réclame une justification : loin d’être la manifestation d’un goût déplacé pour le « trivial », le rugby résiste si bien à la philosophie qu’il lui fournit même matière à penser. Pour autant, l’opinion selon laquelle le rugby est, parmi les activités physiques, la plus noble et la plus importante de toutes aux yeux de ses adeptes, relève d’un ensemble de non-dits, voire d’un secret d’initiés. Et dans ce jugement, il faut le reconnaître, on est juge et partie – en effet le rugby constitue quasiment une éthique et une religion pour ceux qui l’ont approché et pratiqué. Il existe une confrérie des intellectuels, philosophes ou
non, amateurs de rugby, et l’affiliation à ce groupe repose sur des codes implicites, très vite perçus dans l’échange, renforçant l’entre soi que nourrit le sentiment d’appartenir à une double élite : rugbymen et intellectuels.
Ce qui intéresse le philosophe dans le rugby, c’est tout à la fois son « esprit des lois » particulier, l’éthique et l’esthétique qu’il promeut, enfin la manière dont il conjugue nature et culture. Autant d’aspects qui se trouvent engendrés par le génie propre de ce jeu, c’est-à-dire par le rapport entre son potentiel initial et la (ou les) cultures(s) que sa pratique a permis de développer en des lieux variés, et qui lui confèrent la valeur d’une forme de vie cohérente et originale.

Particularités épistémologiques d’un jeu bizarre et complexe
L’attrait de la philosophie – discipline qui depuis Aristote place très haut la capacité humaine d’étonnement – pour le rugby vient d’abord de la bizarrerie caractéristique de ce sport. Celle-ci repose elle-même sur deux faits fondateurs. Premièrement, l’objet qui focalise l’attention des joueurs et du stade, le ballon, est de forme ovale, ce qui fait de lui un outil aussi agréable à manipuler que délicat à exploiter tant au pied qu’à la main. Redoutable auxiliaire du jeu, l’objet génère de plus d’improbables rebonds qui rendent particulièrement complexe le moindre déplacement du jeu et ajoute à ce dernier d’irréductibles possibilités de variation. Il est vraiment étrange d’avoir confié aux caprices d’un ballon qu’on dirait parfois habité d’un malin génie décidé à se jouer des intentions humaines les mieux planifiées le rôle d’intermédiaire dans une bataille où les combattants se rendent coup pour coup… N’est-ce pas là une des formes les plus abouties de l’humour anglais, aussi improbable que la légende
fondatrice du collégien William Webb Ellis (1806-1872) ramassant tout à coup la balle et courant vers le but « avec un parfait mépris pour les règles du football tel que joué à son époque » (ainsi qu’il est inscrit sur sa tombe à Menton) ?
Deuxièmement, la règle cardinale stipule que, pour faire avancer l’équipe, il est nécessaire de passer le ballon à la main vers l’arrière. Une telle contrainte dans la circulation du ballon induit une gestuelle très particulière, la maîtrise corporelle de base de ce jeu impliquant qu’on se tourne vers le partenaire démarqué en exposant son propre corps à l’adversaire résolu à vous plaquer, c’est-à-dire à enlacer votre corps d’une manière suffisamment ferme pour stopper votre course ou assez forte pour vous faire échapper le ballon. L’association d’un scrupule fondamental dans le mouvement (qui consiste à choisir de ne pas aller trop vite en refusant de propulser vulgairement le ballon droit devant) et de la rudesse de la confrontation corporelle présente en elle-même quelque chose de comparable à la démarche qui anime toute vie philosophique, capable de se confronter au réel tout en prêtant attention à ses détails.
La complexité des règles du rugby, ensuite, constitue un puissant motif d’attrait ; elle représente pour le non-initié un véritable défi ! Nécessaires au fonctionnement d’un sport de ballon qui repose sur un combat collectif physiquement très engagé, elles sont destinées à contenir l’agressivité des participants et parviennent de fait à limiter les risques de blessure. Parce qu’il est fasciné par l’ordre complexe, le philosophe se retrouve dans plusieurs règles rugbystiques, telle la règle du hors-jeu ou celle qui organise le gain de balle dans la phase de remise en jeu sur touche. D’où ce paradoxe propre à l’interpeller : s’il s’avère parfois franchement byzantin par la difficulté de certaines de ses phases, le jeu contraint sévèrement des joueurs qui pourtant se livrent à fond, dans un engagement intense et apparemment simple et direct, mais cela d’autant plus que le cadre ainsi défini se trouve sécurisé par un arbitre de
champ qui mène fermement les débats. La double confiance dans le caractère impeccable des règles du jeu, dans leur capacité parfaite à organiser la confusion, d’une part, et dans l’impartialité du referee pour les appliquer et calmer les ardeurs trop fortes, de l’autre, tel est peut-être l’élément distinctif d’une activité susceptible d’être considérée par des esprits qui, dans l’ordre épistémologique, apprécient les manières dont les cas sensibles les plus hétérogènes peuvent s’inclure dans des catégories certes abstraites mais adéquates. À cet égard, on serait tenté de dire qu’il existe une justesse du jeu de rugby, favorisant l’organisation de parties d’échecs avec des corps vivants, passionnés et en mouvement.

La dimension éthique : les valeurs du rugby

Liées à la pratique d’un sport physiquement et mentalement très exigeant, les valeurs du rugby sont souvent vantées. Si elles tendent depuis toujours à être un motif de folklore, c’est d’abord parce qu’elles reposent sur un paradoxe : ce sport de combat – quiconque s’est présenté en short sur le pré entouré de ses camarades pour disputer une partie le sait intimement – demande un engagement d’un très haut niveau. La disposition agonale qu’il requiert, la pugnacité, le courage physique concourent à (re)découvrir à chaque match qu’une épreuve, c’est une expérience qui implique des vertus qu’on ne se sait pas avoir avant de la vivre. Car durant les quatre-vingts minutes que dure la partie, quinze gaillards vous font face, résolus à vous soumettre à leur volonté, nul ne peut se dérober sans rougir à la confrontation physique qui constitue la base du jeu, les impacts sont rudes, et chacun doit gagner son duel contre son adversaire direct – il y va du salut de l’équipe, comme ne manque jamais de le répéter le coach qui hurle sur le bord de la touche quand un joueur rate un plaquage ! Selon un capitaine du XV de France, le rugby est peut-être « le seul sport où on se rencontre, alors qu’ailleurs on se croise » (Lucien Mias). Il n’en demeure pas moins que sa pratique, si stimulante par bien des aspects, consiste également en la rencontre de la fureur humaine. Par suite et logiquement, la solidarité dans l’adversité créée par de telles conditions a toujours représenté un élément distinctif de la pratique rugbystique, un motif puissant pour vanter ses vertus pédagogiques, enfin un trait qui permet de créer chez les pratiquants un sentiment
communautaire au-delà de leurs divergences politiques.
Le rugby est donc souvent considéré comme exemplaire du point de vue éthique ; son exemplarité axiologique repose sur le produit résultant de la complexité des règles, de la difficulté des exercices, de la rudesse du combat et de la nécessité de se dépasser ou de se réinventer dans l’effort. Mieux encore, il vient de ce qu’on appelait autrefois « l’amour du maillot », étonnante disposition qui, par solidarité, conduit à endurer bravement le froid, la pluie et les coups au profit des siens dans le respect des autres, et ce d’autant plus que ces adversaires sont eux-mêmes rudes et braves. Il dispose à l’humilité, puisque dans ce sport une action individuelle brillante résulte nécessairement d’une action collective invisible : si l’ailier, au terme de son débordement le long de la touche, inscrit un magnifique essai, ce n’est pas seulement parce que le trois-quarts centre qui l’a servi et démarqué s’est sacrifié en « allant à la corne », c’est qu’un obscur pilier gauche, tout au début de l’action, a gagné son duel en mêlée en réussissant, la nuque arc-boutée contre celle de son vis-à-vis, à faire le demipas qui a permis la conquête initiale du ballon. « No scrum no win », le match se gagne devant, les gens rapides et brillants ont besoin des gros et des besogneux : la puissance éthique de ce sport vient du fait que cette vérité, au rugby, tout le monde la connaît et personne ne peut l’oublier.
Aussi, la tenue éthique des joueurs de rugby est-elle souvent appréciée et vantée. Quelques règles remarquablement contraignantes concourent à cette légitime renommée, comme celle qui porte que, à l’exception de leur capitaine, les joueurs, sous peine d’expulsion immédiate, n’ont le droit ni de discuter les décisions de l’arbitre, ni même de lui parler, quand bien même elles lui sembleraient injustes et révoltantes. Ou encore celle qui sanctionne d’une expulsion temporaire ou définitive le joueur qui, bousculé ou frappé par un adversaire, répond brutalement par un coup violent en dehors d’une action de jeu (« Bref, tu reçois, mais tu n’as pas le droit de rendre », c’est ce que tout éducateur apprend à des enfants totalement incrédules devant cette règle !). À l’instar des arts martiaux, mais tout en demeurant un jeu, ce sport fournit donc au pratiquant l’occasion de se tester dans l’engagement extrême et la maîtrise de soi, dans la capacité à faire face à la douleur et au stress tout en restant lucide au service du collectif. En d’autres termes, il permet de faire montre de sa bravoure à chaque fois qu’il faut stopper un adversaire, enrayer une attaque ou sauver son camp, et aussi de son intelligence situationnelle quand, dans les secondes qui suivent l’acte défensif le plus rude, on se relève pour contribuer avec ingéniosité à la transformation du jeu et construire une offensive collective gagnante. Cette transformation est rendue possible par ceci que, dans cette pratique, être courageux consiste à savoir s’engager au profit des autres.

Le style, au croisement de la nature et de la culture
Certes, la pratique du rugby demeure relativement confidentielle : non seulement elle se cantonne à des espaces régionaux qui agissent comme de véritables creusets (comme le Sud-ouest français), mais il n’y a guère plus de quinze nations de niveau mondial et l’on peut avec une marge d’erreur limitée prédire qui, tous les quatre ans, sera champion. Néanmoins ce constat se voit tempéré par la diversité des cultures et la « typicité » des nations. Au rugby, le style de jeu est fonction d’un rapport intéressant entre les dispositions physiques innées des nations, les habitudes locales et l’histoire rugbystique. C’est vrai aussi bien des terroirs français comme des autres régions du monde. On ne joue pas au rugby de la même manière en Languedoc et en Gironde, au Pays Basque et dans les Alpes ; les Écossais des Borders présentent un style différent des Gallois de Swansea ou des « coupeurs de tête » de Tucumán en Argentine… Iliens du Pacifique (Tonga, Samoa, Fidji) et Australiens, Anglais et NéoZélandais, Sud Africains et Irlandais entretiennent au sein du même jeu des attitudes et nourrissent des cultures irréductiblement différentes. Il ne s’agit pas de traits superficiels, anecdotiques – il s’agit d’éléments distinctifs et caractéristiques qui se recombinent à chaque partie dans une alchimie particulière et donnent aux confrontations une allure typique, susceptible de rentrer dans une stylisation esthétique. Un match Écosse-Afrique du Sud, par exemple, s’avère attirant par son opposition dans les écritures et les tonalités, comme un affrontement entre les Bleus de France et les All Blacks de Nouvelle-Zélande. Au rugby, on s’affronte mais aussi on joue ensemble, et la confrontation aiguise le style. C’est ce qui fait que certaines actions et même des parties entières sont considérées comme de véritables chefs-d’œuvre, servant de références sur le plan esthétique. Peut par exemple prétendre au titre de plus belle action de l’histoire du jeu « l’essai du bout du monde » pointé dans l’en-but néozélandais par l’arrière Jean-Luc Sadourny le 3 juillet 1994, après que huit de ses partenaires eurent porté le ballon dans une action vive et brillante comme un éclair en adoptant des courses tantôt d’une grande pureté classique, tantôt totalement imprévisibles (à commencer par l’invraisemblable relance initiale de l’ailier gauche Philippe Saint-André). La première victoire française sur le sol néo-zélandais à l’Eden Park d’Auckland le 14 juillet 1979 (24-19) après la déroute subie la semaine précédente est un symbole du courage de nos compatriotes. Plus près de nous, dans un affrontement a priori encore plus disproportionné, le match victorieux des Japonais sur les Sud-Africains lors de la dernière Coupe du Monde le 19 septembre 2015 (34-32) nous remémore qu’au rugby l’intelligence dans la concentration des énergies permet à un collectif dont chaque membre est techniquement et physiquement inférieur à son adversaire de l’emporter avec panache.

Conclusion : une mythologie héroïque pour notre temps ou une matrice
d’autorité ?

La force du rugby est de suggérer que rien n’est jamais définitivement perdu pour ceux qui sont résolus à associer leurs différences au moment de faire face à l’adversité. Les grands champions qu’a connus ce jeu ressemblent à des figures héroïques capables, derrière leurs exploits sportifs, de prouesses mythiques du fait de leur très grande force de caractère : les Spanghero et Philippe Sella, Gareth Edwards et J.P.R. Williams, David Campese et John Eales, Jonah Lomu, Richie MacCaw et Dan Carter, et tant d’autres. Sur un tout autre plan, mais qui n’est nullement à négliger car il nourrit le rugby de toujours, il faut avoir connu et vécu des derbys pour appréhender la puissance émotionnelle de ce jeu. Des affiches anciennes comme Dax contre Mont-de-Marsan, Brive contre Tulle, ou encore d’autres d’aujourd’hui, d’apparence plus modestes, comme un FC Grenoble-Lyon Olympique Universitaire en cadets Alamercery (moins de 16 ans) sont autant de parties qui, chaque dimanche, peuvent fournir le spectacle effrayant du choc que se livreraient deux hordes d’animaux hargneux affrontés. Des boucs, des aurochs, des sangliers, des ours, des tigres, des éléphants et même… des gazelles inspirées à la course géniale. Dans ce monde policé, procédurier et aseptisé, le rugby paraît attester qu’il existe encore des lieux consacrés et des moments bénis où peut s’exprimer une puissance sauvage, une force collective faite de l’engagement de chacun au profit des autres, un espace heureusement dédié à la volonté d’exprimer ensemble des passions débridées et de créer des improvisations inspirées. C’est pourquoi, au moment de conclure, il faut vanter la magie d’une pratique relevant d’une ambiguïté fondamentale et sans doute indépassable. D’un côté, un jeu qui convoque le mythe, en ce qu’il appelle le rêve de forces surnaturelles capables de s’incarner en figures humaines durant le temps d’une partie. De l’autre, la vertu formatrice d’un sport plus collectif que tous les autres équivaut à une leçon pour la philosophie politique. Véritable « matrice d’augmentation », il permet de considérer que le « Le NOUS d’une équipe » vaut comme « un nouveau cogito » doté d’une puissance réflexive (ainsi que l’écrit avec profondeur Robert Damien dans son Éloge de l’autorité. Généalogie d’une (dé)raison politique, 2013). Cette ambiguïté se trouve parfaitement résumée dans la sage sentence d’un des plus grands joueurs français, Jean-Pierre Rives : « le rugby permet aux enfants de devenir des hommes, et aux hommes de rester des enfants. »

L’auteur :

Thierry Ménissier est Professeur des Universités en philosophie politique à l’Université Grenoble Alpes. Ses recherches inspirées par Machiavel et Hannah Arendt visent la compréhension des mutations en cours : transitions et évolution sociales, nouvelles formes d’engagement et d’éducation, ruptures technologiques et innovations. Elles questionnent les formes contemporaines de l’action à travers la dimension de la coopération et de la création collective des possibles. Il a été joueur puis éducateur en école de rugby et anime aujourd’hui la commission éthique du Comité des Alpes de la Fédération Française de Rugby.


 

mardi 27 juin 2023

Partir en Livre - 8 juillet 2023 - La liberté


Partir en livre est un évènement culturel. Le club y participe 
Réunion donc au jardin des 3 bassins ou Parc Périsse à Noé à partir de 10h30 - Auberge espagnole en suivant.
S'il pleut rendez vous à 10h30 à la médiathèque.  
Amenez des nouvelles, des poèmes et pourquoi pas vos écrits parlant de liberté pour les partager!

La Liberté en philosophie

Et on va parler de Liberté!
La liberté est en général l’objet d’une triple analyse. C’est d’abord une notion métaphysique. Il s’agit alors de savoir si l’homme est libre ou déterminé par des contraintes qu’il ne maîtrise pas. S’il est la cause première de ses choix, on dit qu’il possède un libre-arbitre (aussi appelé liberté d’indifférence). Mais un tel pouvoir – qu’il ne faut pas confondre avec une volonté capricieuse, sujette aux élans pulsionnels – est difficilement démontrable et semble déroger aux lois de la nature qui reposent sur un déterminisme strict dont l’acceptation relèverait cependant du fatalisme. C’est ensuite une notion morale. Pour Kant, la liberté, ne pouvant être démontrée, doit néanmoins être postulée afin que la morale soit possible. En effet, seul un être libre peut choisir entre le Bien et le Mal, car, pour devoir, il faut d’abord pouvoir. Réciproquement, selon Kant, seul un être moral peut être libre : la liberté est alors synonyme d’autonomie. A contrario, celui qui veut jouir sans contrainte morale est appelé libertin. C’est enfin une notion politique. On oppose ici le citoyen libre (appelé d’ailleurs en latin : liber, d’où vient le mot « liberté ») à l’esclave. Lorsque l’État exerce peu de contraintes sur l’individu, on parle d’un État libéral. Si l’individu estime que les lois sont trop contraignantes et empêchent l’exercice de sa liberté (qu’elles sont liberticides), il lui arrive de contester l’État sous toutes ses formes. Un tel individu est dit alors libertaire ou anarchiste.


 20 décembre 2022  Gabin Bernard  

La liberté en philosophie : les thèses essentielles
“La liberté est un de ces mots détestables qui a plus de valeur que de sens.” écrivait Paul Valéry, pointant notre incapacité à définir ce concept abstrait. Elle est un thème central en philosophie politique ou lorsqu’on touche au droit. Aussi, il semble important de revenir sur les philosophes qui ont forgé notre conception de la liberté. 
 

MONTESQUIEU, De l’Esprit des lois : deux types de liberté 
Montesquieu distingue dans sa pensée deux sortes de liberté. L’une philosophique, l’autre politique. Ces deux libertés sont de deux ordres différents. “La liberté philosophique consiste dans l’exercice de sa volonté”. Je suis libre tant que personne ne vient contredire ma volonté ou ne me force à aller contre celle-ci.

“La liberté politique consiste dans la sûreté”, du moins, dans l’opinion que l’on en a. Cette liberté dépend donc de la législation en vigueur dans la société, de “la bonté des lois criminelles”. Ce premier témoignage montre la dualité du mot “liberté”. Philosophique ou politique, le mot “liberté” désigne deux choses bien différentes. 


ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : l’homme se distingue de l’animal par sa liberté
L’animal est une machine, l’homme est un agent libre. C’est-à-dire qu’il peut agir par choix conscient et sans contrainte. C’est la conscience qui détermine notre liberté. Ainsi, l’animal agit par instinct, l’homme “par un acte de liberté”, par un libre choix. Contrairement à la thèse de Descartes, Rousseau ne constate qu’une différence de degré du point de vue de l’entendement entre l’homme et l’animal.

“Ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre” mais “c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme.” En résumé, la conscience de sa liberté distingue l’homme de l’animal, encore faut-il savoir ce que veut dire être conscient de sa liberté. 
 

EPICURE, Lettre à Ménécée : la liberté face au déterminisme et aux aléas
Epicure illustre sa vision de la liberté par l’image d’un sage. Le sage vit sans la moindre angoisse : il n’a sur les dieux des opinions pieuses, est sans crainte à la pensée de la mort et arrive à comprendre le but de la nature.”. Le sage ne craint ni la mort, ni les dieux, car il ne peut connaître véritablement aucun d’eux. De son point de vue en effet, la mort ne peut être vécue puisqu’elle est justement l’opposition de la vie. “Quant au destin […], le sage en rit.” L’épicurisme exprime la liberté sous la forme d’une tranquillité,  le sage visant l’ataraxie.

 
SPINOZA, Ethique, I : il n’est rien donné de contingent dans la nature
Dans la pensée de Spinoza, le réel désigne l’ensemble du possible. En effet, la maxime “Deus sive natura” implique que toute chose est nécessaire et en Dieu.  Spinoza pose la nécessité absolue des choses. La nature observe un ordre fixe et immuable.

Toute chose ayant une existence déterminée, l’homme ne semble pas libre de son destin (il existe bien en revanche une forme de liberté accessible pour lui, plus politique). “Il n’est rien donné de contingent dans la nature, mais tout y est déterminé par la nécessité de la nature divine à exister et à produire quelque effet d’une certaine manière.” 
 

SPINOZA, Ethique, III :  l’homme, un empire dans un empire 
Spinoza rejette l’idée d’une place privilégiée de l’homme au sein de la nature. C’est ce qui lui valut (en partie) d’être excommunié. En effet, certains (et notamment l’Église) ont conféré aux affections un caractère extranaturel : l’homme trouble l’ordre naturel plutôt qu’il ne le suit, il ne tire que de lui-même sa détermination.  C’est pourquoi ces gens cherchent un vice de la nature humaine : “Ils cherchent donc la cause de l’impuissance et de l’inconstance humaine” dans sa propre nature.

Or, pour Spinoza, les affections résultent de lois nécessaires de la nature divine. Elles suivent de la même nécessité et de la même vertu de la Nature que les choses singulières. L’homme suit les lois communes de la nature, comme toute chose, il n’a pas un caractère particulier qui l’exempterait de ce déterminisme. 


SPINOZA, Ethique, II : il n’y a point de volonté libre
Spinoza nie le sentiment de libre-arbitre et détruit par là toute perspective morale. Toute chose est en Dieu et produite par Dieu, elle est déterminée à produire quelque effet par la substance divine. “Il n’y a dans l’âme aucune volonté absolue ou libre.” Il n’y a que des volitions nécessaires et déterminées. Il n’y a dans l’âme aucune faculté absolue de vouloir mais des volitions singulières : l’affirmation et la négation.

L’homme n’est pas créateur de choix, il ne fait qu’accepter ou décliner ce qui se présente à lui. En réalité, l’absence de libre-arbitre a d’importantes conséquences sur notre perception de la moralité et semble contradictoire avec certaines idées de Spinoza. En effet, si tout est déterminé, s’il n’y a ni bien, ni mal, la philosophie morale de Spinoza considère tout acte comme neutre, même le pire des meurtres (Cf. Spinoza et Leibniz. Le bonheur par la raison, Luc Ferry). 

Lire plus : Que faire pendant les vacances de Noël en prépa ?


SPINOZA, Lettre LVIII : la liberté, illusion humaine
Spinoza remet en cause la conception cartésienne de la liberté selon laquelle la liberté est un libre décret de l’esprit. Pour Spinoza, la liberté désigne la nécessité comprise. “J’appelle libre […] une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature.” Il y a bien une liberté chez Spinoza, elle réside dans “une libre nécessité.” Ainsi Dieu existe et se connaît librement par cette seule nécessité :  il existe par la seule nécessité de sa nature, il se connaît lui-même et toute chose librement.

Au contraire, les choses singulières sont contraintes par des causes extérieures. Le philosophe néerlandais prend l’exemple de la pierre en mouvement : si une pierre pensait son mouvement, elle se croirait libre alors même qu’elle ignore la cause première de son mouvement. De même, les hommes se croient libres alors qu’ils sont contraints ou déterminés par leur nature. Ainsi, la liberté consiste à être et à agir par la seule nécessité de sa nature, et non par les décrets d’un libre-arbitre illusoire.


EPICTÈTE, Manuel : les choses qui dépendent de nous et celles qui n’en dépendent pas
Il y a dans la vie de nombreux aléas qui s’imposent à nous. Dans ces circonstances, seuls sont en notre pouvoir nos jugements. Dès que nous en sommes maîtres, nous sommes en mesure de gouverner notre vie. Peut-être ce qui peut advenir, nos jugements sont maîtres de notre liberté. Epictète distingue donc deux ordres de réalité : les événements et notre jugement.

“Parmi les choses, les unes dépendent de nous, les autres n’en dépendent pas.” Seul l’ordre du jugement permet d’accéder à la sagesse : “si tu tiens cela seul qui est tien, et étranger ce qui en effet t’est étranger, nul ne te forcera jamais à faire une chose.” En résumé, si l’ordre des événements est indépendant de nous, celui du jugement est libre. 


THOMAS D’AQUIN, Somme théologique : l’homme est libre grâce à la raison 
Selon Aristote et Saint Paul, l’homme n’est pas libre car il ne peut être cause de soi. Pour Saint Thomas, Dieu meut la volonté de l’homme qui ne peut faire ce qu’il veut. L’homme est libre grâce à la raison qui lui permet de juger : “l’homme agit par jugement, car c’est le pouvoir de connaître”.

Ce jugement libre lui permet de diversifier son action. De cette pensée découle une chose : “il est nécessaire que l’homme soit doué du libre arbitre, du fait même qu’il est doué de raison”. L’homme est libre, le jugement lui permet de choisir entre différentes actions également possibles.


DESCARTES, Méditations métaphysiques : la liberté est-elle indifférence ou mouvement vers le vrai ?
La volonté, infinie, est à l’image de Dieu: “Il n’y a que la seule volonté”. Cette volonté désigne le pouvoir d’affirmer ou de nier. Elle dispose d’un rôle actif par rapport aux idées : étant seulement le pouvoir de dire oui ou non, elle est sans limite. La volonté affirme ou nie sans contrainte. Toutefois, la liberté n’est pas l’indifférence de choix, elle est un choix éclairé par la connaissance du vrai.

Descartes écrit donc : “si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer […] et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent.” Pour le philosophe français, la véritable liberté est un choix. La liberté d’indifférence (le fait de ne pas choisir volontairement) est son degré le plus bas.

 
SPINOZA, Ethique, IV : l’homme médite sur la vie et non la mort
“Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie.” La sagesse, forme de liberté la plus totale, est la méditation de la vie. L’homme libre est celui qui vit suivant le seul commandement de la Raison, il n’est pas dirigé par la crainte de la mort mais désire ce qui est bon directement, il est à la recherche de “l’utile propre”. Pour ce faire, il médite sur la vie et non sur la mort.

Lire plus : L’art en philosophie : quelques thèses incontournables

SPINOZA, Traité théologico-politique : agir selon son bon plaisir n’est pas être libre
Spinoza propose ici une vision politique de la liberté. Être libre, ce n’est pas être captif de son plaisir, mais vivre sous la conduite de la raison : “la liberté n’est qu’à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison.” Ainsi, obéir ne conduit pas à l’esclavage si le salut du peuple constitue l’impératif politique. En revanche, “si la fin de l’action n’est pas l’utilité de l’agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l’agent est un esclave”.

L’esclave est celui qui agit, inutile à lui-même. Toute action doit être guidée par la raison est rendre service au moins à celui qui l’effectue. Être libre, c’est obéir à un Etat fondé sur la Raison, c’est “vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison.” 

HEGEL, La raison dans l’histoire : l’esprit est liberté
D’après Hegel, l’Esprit est conscience, mais aussi objet de cette conscience. Il s’oppose parfaitement à la matière, l’Esprit est liberté. “La nature de l’Esprit se laisse connaître par son opposé exact.” En effet, toutes les propriétés de l’Esprit exigent la liberté : “la liberté est l’unique vérité de l’esprit.” A l’inverse, la matière est déterminée par un élément extérieur.

Il n’y a pas d’unité dans la matière, elle est une juxtaposition d’éléments et cherche son unité. L’Esprit, quant à lui, ne dépend que de lui-même et c’est pourquoi il est libre. “L’Esprit est ce qui demeure dans son propre élément et c’est en cela que consiste la liberté […]. Je suis libre quand je suis dans mon propre élément.”


NIETZSCHE, Le crépuscule des idoles : le libre arbitre n’est pas d’origine rationnel mais d’origine théologique
Nietzsche cherche à démontrer que le devenir est innocent, sans finalité ni volonté. On a inventé le libre arbitre afin de rendre responsable l’homme. “On a dépouillé le devenir de son innocence lorsqu’on a ramené à une volonté, à des intentions, à des actes de responsabilité le fait d’être de telle ou telle manière”.

Cette doctrine de la volonté a été mise en place dans le but de trouver un coupable. Ses inventeurs voulurent “se créer le droit d’infliger une peine”. “Les hommes ont été considérés comme “libres”, pour pouvoir être jugés et punis.” Vous l’aurez compris, Nietzsche critique (encore une fois) la religion catholique, responsable de ce libre arbitre illusoire. Faisant ainsi, toute action devait être regardée comme voulue et consciente. Le libre arbitre est lié au désir des théologiens de juger et punir l’humanité pour en être les maîtres.


La chèvre de  M. Seguin - Notre texte de travail!


Quelques citations

“On parle souvent de sacrifier la liberté de chacun à la liberté collective. Stupidité ! Il n'y a pas de liberté collective : il n'y a que des libertés individuelles.”

De Jean-Charles Harvey / Les paradis de sable

“C’est par la grâce de Dieu que nous avons ces trois précieuse choses : la liberté de parole, la liberté de penser et la prudence de n’exercer ni l’une ni l’autre.”

Mark Twain 

"Etre libre, ce n'est pas avoir la capacité de faire n'importe quoi ; la liberté de l'individu seul sur une île n'a pas de contenu. Etre libre, c'est accepter des contraintes discutées en commun et auxquelles chacun se soumet au nom d'un objectif supérieur : la liberté de la parole est l'aboutissement des contraintes du langage."

Albert Jacquard - 1925-2013 - J'accuse l'économie triomphante, 1995

“Le peuple n'a pas besoin de liberté, car la liberté est une des formes de la dictature bourgeoise...”

Lénine

"La politique est la science de la liberté."

Pierre-Joseph Proudhon - 1809-1865 - Qu'est-ce que la propriété ?, 1840

"Le domaine de la liberté commence là où s'arrête le travail déterminé par la nécessité."

Karl Marx - 1818-1883

"Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur. Toute divergence d'opinion devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger "comme il faut"."

“Recherchez la liberté et vous deviendrez esclave de vos désirs. Recherchez la discipline et vous trouverez la liberté.”

Koan zen

André Gide - 1869-1951 - Journal 1939-1949, 18 octobre 1944

"La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat."

Hannah Arendt - 1906-1975 - La Crise de la culture, 1961

"Amoureux et jaloux de la liberté humaine, et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l'humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis : Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître."

Mikhaïl Bakounine - 1814-1876 - Dieu et l'Etat, 1882

“La liberté enfante l'anarchie, l'anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène la liberté.”

De Honoré de Balzac / La peau de chagrin

"Le temps libre, c'est peut-être toute l'activité ludique dont on le remplit, mais c'est d'abord la liberté de perdre son temps, de le "tuer" éventuellement, de le dépenser en pure perte. (C'est pourquoi dire que le loisir est "aliéné" parce qu'il n'est que le temps nécessaire à la reconstitution de la force de travail est insuffisant. L'"aliénation" du loisir est plus profonde : elle ne tient pas à sa subordination directe au temps de travail, elle est liée à l'impossibilité même de perdre son temps.)"

Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970

"La liberté consiste, non pas seulement dans le droit accordé, mais dans le pouvoir donné à l'homme d'exercer, de développer ses facultés, sous l'empire de la justice et sous la sauvegarde de la loi."

Louis Blanc - 1811-1882 - Organisation du travail

"La liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaîne."

François Cavanna - 1923-2014 - 4, rue Choron - 1965

"Pendant des siècles des esprits se sont battus et ont risqué leur vie pour se libérer de Dieu.

Et nous, au milieu du XXe, nous regrettons les chaînes qu'Il représentait et ne savons que faire d'une liberté pour laquelle nous n'avons fait aucun sacrifice, que nous n'avons pas conquise.

Nous sommes les héritiers ingrats de l'athéisme héroïque, les épigones de la révolte, une masse de rebelles qui déplorent secrètement la disparition des "superstitions", des "préjugés" et des anciennes "terreurs"."

Emile Michel Cioran - 1911-1995 - Carnets 1957-1972

“La liberté d'être soi-même, à laquelle chacun devrait tenter d'accéder, c'est aussi, pour certains, la liberté d'être un con ou un salaud.”

De Guy Bedos / Libération - 1993

"Comme l'Homo sapiens est un mammifère plus, la république est la démocratie plus. Plus précieuse et plus précaire. Plus ingrate, plus gratifiante. La république, c'est la liberté, plus la raison. L'État de droit, plus la justice. La tolérance, plus la volonté. La démocratie, dirons-nous, c'est ce qui reste d'une république quand on éteint les Lumières."

Régis Debray - Etes-vous démocrate ou républicain ?, 1995

"Il n'est plus une insulte, une exaction, un égoïsme qui ne se proclame liberté individuelle, y compris la liberté de nuire. Toute contrainte étant devenue insupportable, même la présence de l'Etat, l'ensemble des libertés s'appelle le libéralisme."

Armand Farrachi - Petit lexique d'optimisme officiel - Page 111 - Fayard - 2007

"La liberté individuelle n'est nullement un produit culturel."

Sigmund Freud - 1856-1939 - Totem et tabou - 1913

“L’homme qui réclame la liberté, c’est au bonheur qu’il pense.”

De Claude Aveline / Avec toi-même, etc.


Quelques refis :

Le Marquis de Sade, vers une "liberté impossible" 

Le fantôme de la liberté Buñuel


jeudi 15 juin 2023

24 juin Mediathèque de Noé; De quoi pouvons bien nous rire, tous ensemble?

 

« le rire est du mécanique plaqué sur du vivant » 
Henri Bergson

Attention séance   et à 10 heures - Pas de problème si vous arrivez en retard

Le rire, selon Bergson a une signification sociale : il doit répondre à certaines exigences de la vie en commun, le rire étant toujours le rire d’un groupe. Le rire est donc un phénomène social, nous ne ririons donc pas seul, mais avec les autres (réels ou imaginaires) des autres (réels ou imaginaires).

Alors jeune et vieux, dans la France de la Haute-Garonne du XXIème de quoi pourraient-ils rire tous ensemble ?À quel âge rit-on le plus ?

Gaétane Poissonnier dans le Mensuel N° 333 - Février 2021 -déclare 

Un enfant de 4 ans rit chaque jour autant qu’un quadragénaire en deux mois et demi ! C’est ce que montrent deux chercheures de l’université de Stanford, qui ont établi une courbe du rire selon l’âge. Leur enquête porte sur 1,4 million de personnes dans plus de 160 pays du monde. Le constat est sans appel : la fréquence des rires (en moyenne 300 fois par jour à 4 ans) chute à 23 ans et ne remonte qu’aux alentours de 70 ans....plus

Les adultes et les enfants ne rient pas des mêmes chose,  les adultes coincés entre le wokisme et des différences de culture exacerbées par une accélération qui nous amène au point de singularité technologique peuvent-ils rirent tous ensemble ? et si oui de Quoi de Qui ? Si l'on rajoute, les enfants, c'est sans doute encore plus compliqué ......

L’expérience est la suivante : préparer une histoire drôle, inventée ou vécue et venez nous la raconter. Que vous ayez 5 ans ou 105 ans venez ensuite la partager et nous verrons si on rit ensemble ?

Le rire Bergson contre Bataille

Le rire des philosophes


Peut être pourrions nous penser que rire de la même chose enfants et adultes est impossible, alors que dire des Simsons ?
 

On peut penser, que l'humour est une expérience subjective, et ce qui peut faire rire une personne peut ne pas susciter le même effet chez une autre, que l'on rirait seul en fait ou plutot selon bBergson avec ceux qui rient desmêm chose que nous. Cependant, existe-il des éléments d'humour qui transcendent les générations et qui peuvent être appréciés à la fois par les enfants et les adultes ?


Je dois avouer aimer la panthère rose depuis très longtemp ..... cet épisode paticulièrement




Dans sa thèse, Julie Hoskens. Le développement de l’humour : la production et l’appréciation de l’humour chez les enfants de 4 ans, 6 ans et 8 ans. Psychologie. Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2012. Français. ffNNT : 2012TOU20059ff. fftel-01525669f nous explique que c'est les incongruité qui rende pour les petits une histoire drôle ou pas ....

Hé bien ou, un cheval sur une pantère rose devenue bleu, si dans l'histoire c'est bien amené, pour moi aussi c'est drôle.



Le rire : Un pretit tour chez les philosophes

Source : philomag.fr
Aristote
(env. 384-322 av. J.-C.)
« L’homme est le seul animal qui ait la faculté de rire. » Aristote est le premier à faire du rire le propre de l’homme. La comédie est pour lui « l’imitation de ce qui est laid, dont une partie est le ridicule » (Poétique). Celui qui rit se place au-dessus de sa cible, mais « sans médisance ». La comédie sert donc à « purger les passions » du spectateur.

Descartes
(1596-1650)
Rire mêle la joie à l’étonnement : c’est l’effet de surprise qui provoque le rire. D’où la défense par Descartes de l’humour pince-sans-rire : « Lorsqu’on raille soi-même, il est plus séant de s’en abstenir [de ne pas rire], afin de ne sembler pas être surpris par les choses qu’on dit […] ; et cela fait qu’elles surprennent d’autant plus » (Les Passions de l’âme).

Voltaire
(1694-1778)
« Ceux qui cherchent des causes métaphysiques au rire ne sont pas gais », prévient Voltaire dans son Dictionnaire philosophique. Selon lui, le rire est, à la manière des enfants, l’expression d’une « joie gaie, sans avoir un autre sentiment ». Le rire pur se distingue donc de l’ironie, plus critique et féroce. 

Baudelaire
(1821-1867)
Sa vision du rire a de quoi donner le spleen : « le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme » (Curiosités esthétiques). Celui qui s’esclaffe trahit en fait « sa violence » et « sa misère » intérieures. C’est pourquoi un bon mot peut faire mouche… ou flop : « La puissance du rire est dans le rieur et nullement dans l’objet du rire. »

Bergson
(1859-1941)
Pour Bergson, qui lui a consacré un essai, le rire nous interpelle par une « transfiguration momentanée d’une personne en chose ». Le philosophe français définit le comique comme « du mécanique plaqué sur du vivant ». Le rire s’accompagne nécessairement d’« une anesthésie du cœur » qui nous éloigne de notre humanité.



mardi 23 mai 2023

D'un continent à l'autre - Collège du Lherm et Lycée intanational de Casablanca - Jeudi 2 juin 2023


Habituellement, l'amour peut se reconnaître par la présence d'un désir sexuel et un désir d'exclusivité. 

Mais voilà, tous se trouble, au Maroc, les élèves sont habitués au fait que plusieurs femmes puissent être dans une relation déclarée amoureuse d'un homme qu'elles partagent. En effet l'Islam permet aux hommes des mariages multiples coexistant. 

Les différences sont importantes dans les relations "permises" en intra genre. Mais surtout, c'est le côté Eros (Amour passion et charnel) du sentiment amoureux qui est le plus différent. En effet, les élèves Marocains ont une vision de leur relation amoureuse qui est souvent celle qui sera au service d'un amour plus important qui est Storge, l'amour familial. On se marie pour faire famille (souvent avec un cousin) et pour renforcer la famille existante.

Agapé (Amour d'autrui, parfois proche de la charité) a aussi une place différente au Maroc. La religion musulmane donne une importance capitale à cet aspect. Le Ramadan est l'occasion de ressentir ce que celui qui n'a pas à manger ressent afin d'augmenter l'empathie.

Quant à Philia (Amitié sincère et vraie), qui pourrait être le sentiment ressenti pour le meilleur ami, nous en parlerons.

mardi 9 mai 2023

Collège du Lherm - jeudi 25 mai 2023 - LA vérité , chacun la sienne ?

 


La vérité, as t on chacun la sienne ? Dans ce cas là, elle serait multiple donc en fait la Vérité (avec un grand V) elle n'existerait pas?

je vous recommande la lecture de l'article sur la vérité : https://www.clubdiscussion.fr/2020/04/4-avril-2020-la-verite-existe-t-elle.html

Cependant la question est un peu différente. En effet si il s'agit toujours de trouver la "Vérité", la question est plus ici de savoir pourquoi on pense l'avoir trouver et on s'en contente.

Je ferai le test de la veille dame puis nous chercherons pourquoi nous ne parvenons pas à trouver seul (ou si difficilement) la vérité et pourquoi c'est si difficle en groupe ? 

Quelle age a la dame sur le dessin? Ou est la vérité?

LaQuestion : Comment le cerveau nous trompe ? Par Albert Moukheiber





vendredi 5 mai 2023

[Maternelles Noé - 3eme Trimeste - toutes les classes ] - Peut-on jouer avec rien ?

 



Le jeu est associé à un protocole, du matériel, d'autres joueurs. Alors comment imaginer de jouer sans rien et même sans personne d'autre.  

Le site du PIA de Paris nous informe que : 
"Le jeu est le « travail » naturel de l’enfant, il l’accompagne dans son désir de grandir. Il est essentiel à son évolution et à sa santé. Pour Winnicot, le jeu est le „signe de la bonne santé mentale de l'enfant“.  L’enfant est avant tout un corps, des sens et des émotions. Il agit, il touche et manipule, il utilise tous ses sens pour expérimenter, il a besoin de mouvement, il a besoin de jouer avec des objets, des matières, avec l’environnement, avec d’autres pour grandir et apprendre."

Donc, en maternelle, le jeu est  interaction entre l'enfant et l'objet. Supprimons l'objet.

   

En situation et en crêche l'enfant semble s'adapter et parvenir à jouer avec rien. 

Mais ici, notre propos et tout autre. Il s'agit de s'adapter préalablment, par la pensée. L'enfant de 3 à 6 ans est-il capable de se projeter, alors que c'est si difficile pour les adultes, dans et avec la notio du "Rien".  

L'enfant va t il pouvoir inventer un jeu? Pour jouer avec les autres et pourquoi pas tout seul ?

Je vais donc leur demander d'imaginer un jeu ou ils peuvent jouer sans objet, peut-être même sans les autres. Jouer avec rien ? c'est possible ? vous en pensez quoi?


jeudi 4 mai 2023

Semaine de la philosophie 2023 au Lycée Français International Alphonse Daudet de Casablanca

 https://www.mlfmonde.org/etablissements/lycee-francais-international-alphonse-daudet/




15 sujets sont à préparer pour cette année, plus une conférence débat avec les première sur l'importance de la philosophie et un échange avec les enseignants du primaire. Les ateliers se feront abec les élèves du collèges.

Ceratins sujet qui ont bien fonctionnés l'année précédente seront repris : On est ou avant de naitre ? L'art c'est qui ? Etre amie ou dire la vérité ? etc ... et de nouveaux sujets ...