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jeudi 15 décembre 2022

Collège du Lherm - 5 Janvier 2023 - L'art C'est quoi, ça sert a quoi ?

 
Existence V.S. Subsistance
L'art va se substituer à Dieu


Pour préparer le débat ----------------------------------------------------





Il convient bien sûr avant tout de définir ce qu'est l'art et le verbe Servir. 
Voici les définitions du dictionnaire :

Servir 

Étymologie 
Du latin servire (« servir », « être esclave », « vivre dans la servitude »)

S’acquitter de certains offices, de certaines obligations envers une personne ou une collectivité; S’acquitter de certaines fonctions auprès de quelqu’un comme domestique; Rendre à quelqu’un les mêmes services qu’un domestique rend à son maître; Fournir, s’occuper de quelqu’un, lui procurer marchandise ou service. Rendre de bons offices à quelqu’un, l’aider, le seconder, l’assister. Faire fonctionner.  ...

Art

Qu'est-ce que l'art ?

De l'esprit vers le corps ...
 

L’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l'idée que l'on s'en fait s'adressant délibérément aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l'intellect. On peut dire que l'art est le propre de l'homme, et que cette activité n'a pas de fonction clairement définie.

Effectivement, les définitions de ce concept varient largement selon les époques et les lieux, et aucune d'entre elles n'est universellement acceptée. Ainsi, pour Marcel Mauss1, « un objet d'art, par définition, est l'objet reconnu comme tel par un groupe ». C'est pourquoi les collections de productions artistiques peuvent être classées et appréciées diversement selon les cultures, les auteurs et les institutions...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Art


A quoi sert l'art : http://cours-de-philosophie.fr/ressources/corriges/a-quoi-sert-lart/

Sur les fonctions de l’art bien des questions fusent :

"A quoi sert l'art ?", "A quoi l'a-t-on fait servir ? ", "A quoi doit servir l'art ?".  
Poser la question "L'art est-il utile ? " peut sembler sacrilège à certains.

Nous devons donc envisager successivement les fonctions esthétiques, humaines, morales et ontologiques.



                                    1. L’ART NE SERT A RIEN

   La première fonction de l'art est évidemment de produire de la beauté, puisque c'est sa définition. Et la beauté, étant une finalité sans fin, n'a pas d'autre but qu'elle-même. Elle est pure gratuité et infinie liberté. Elle ne doit rien à personne et ne demande rien d'autre qu'elle-même. Elle se suffit à elle-même, sans finalité utilitaire immédiate. L'art est un jeu désintéressé qui se justifie par sa seule beauté. L'art ne sert à rien (à rien d'autre que lui-même).  Il est un luxe totalement inutile, mais dont l'homme ne saurait se passer pour continuer à devenir ce qu'il est.

       Il est gratuit et désintéressé. Selon Kant "le beau est l'objet d'une satisfaction désintéressée et libre". Est beau ce qui porte en soi sa propre fin "le beau est ce qui est reconnu sans concept comme l'objet d'une satisfaction nécessaire".

.... 
Pour ceux qui en veulent plus ......
À quoi sert l’art - Bernard Stiegler : "La puissance d'un groupe capitaliste c'est son esthétique."

http://laurentine.arscenic.tv/IMG/mp4/Bernard_Stiegler-encoded.mp4

L'art et la crise : L'art, à quoi ça sert (au Mali)? http://www.dw.de/lart-%C3%A0-quoi-%C3%A7a-sert-au-mali/av-17305194

 

mercredi 14 décembre 2022

17 décembre 2022 -, Suis-je ma mémoire ?

 

La mémoire et l'identité ?

Source Philomag Nicolas Tenaillon publié le  

Considérée par les uns comme la gardienne de mon identité – puisqu’elle m’assure d’être le même aujourd’hui qu’hier –, la mémoire apparaît à d’autres comme la source d’une croyance illusoire et trompeuse en un moi identique à lui-même au cours du temps. Généalogie d’un long débat qui court depuis le Moyen Âge, au cours duquel les philosophes se répondent – et s’opposent – les uns aux autres.

La mémoire, une technique pour percer les mystères de l’Univers

Raymond Lulle (1232-1315)

Ouvrage de référence : Ars Magna (v. 1277)

Avant l’invention de l’imprimerie, les livres sont peu disponibles. Pour être savant, il faut donc avoir une excellente mémoire et apprendre par cœur des centaines de pages manuscrites ! Impossible d’y parvenir sans utiliser une série d’astuces mnémotechniques mises au point dès l’Antiquité et codifiées notamment par Cicéron. Hérité de la tradition romaine, l’art de la mémoire a surtout au Moyen Âge un usage moral. Thomas d’Aquin s’en sert pour enseigner les vertus. Raymond Lulle, philosophe majorquin contemporain de saint Thomas, en propose une tout autre application : chez lui, l’art de la mémoire devrait permettre d’accéder à une vision mystique de l’Univers ! Avec cette ambition, il rénove la mnémotechnique des Anciens. Celle-ci consistait notamment, pour un orateur, à associer les parties de son discours à certains lieux qu’il a en vue dans son amphithéâtre, puis à parcourir des yeux ces lieux pour retrouver ce qu’il doit dire. Avec Lulle, les lieux sont remplacés par des roues en mouvement : son Ars Magna se présente comme un ensemble de cercles concentriques sur lesquels sont disposées des lettres renvoyant à des concepts. L’art de la mémoire de Lulle est une machine combinatoire qui permet d’harmoniser logique et métaphysique. Il est censé fournir une clé universelle pour percer les mystères de l’Univers, lui-même compris comme un « gigantesque ensemble de symboles ». Selon Lulle, mémoriser les principes, les termes et les combinaisons de son Ars Magna permettrait à celui qui en fait l’effort (qui n’est pas mince !) de transporter en lui-même la vérité.

 

En l’absence de souvenirs, c’est Dieu qui assure la permanence de mon être

René Descartes (1596-1650) 

S’oppose à Raymond Lulle

Ouvrage de référence : Règles pour la direction de l’esprit (v. 1628-1629) et Méditations métaphysiques (1641)

Intéressé par les travaux de Lulle qu’il a lus dans sa jeunesse, Descartes se convainc peu à peu que la mnémotechnique est inutile : « il n’est nul besoin de la mémoire pour toutes les sciences » (Cogitationes privatæ). C’est que notre mémoire est « faible de nature » (Règles pour la direction de l’esprit). Augmenter artificiellement ses capacités n’y change rien. Il faut donc lui préférer la raison et user de celle-ci avec méthode. S’il rejette la mnémotechnique, Descartes s’intéresse à la physiologie de la mémoire. Il en explique le mécanisme par les « plis » que laisseraient les impressions dans le cerveau mais aussi dans le corps. Lorsqu’on admire la virtuosité d’un joueur de luth, remarque Descartes, on s’aperçoit que sa mémoire s’est déposée dans ses mains, comme si ses doigts se souvenaient tout seuls des gestes qu’ils doivent accomplir. Dans les Méditations métaphysiques, Descartes est parvenu à ces affirmations célèbres : « je suis une chose qui pense », ou encore « je pense, donc je suis » (« cogito, ergo sum »). Mais ce célèbre cogito s’expose à une objection embarrassante : quand je ne pense pas, que je dors par exemple, est-ce que j’existe encore ? Refusant de s’aventurer dans l’hypothèse d’une activité psychique inconsciente, Descartes préfère recourir à une solution métaphysique pour résoudre cette énigme : quand je ne suis pas conscient, c’est Dieu qui assure la permanence de mon être. C’est ce qu’il appelle « la création continuée ». Cette solution métaphysique résout moins le problème de l’identité qu’elle ne le pose : sans recourir à Dieu, comment expliquer que je demeure le même, que je pense ou non ?

 

Je suis ce que je me souviens être

John Locke (1632-1704)

S’oppose à René Descartes

Ouvrage de référence : Essai sur l’entendement humain (1689)

Le philosophe anglais conteste les réflexions de Descartes. Pour lui, la mémoire n’est pas si faible que le prétendait l’auteur des Méditations : elle est « une sorte d’assurance qui dépasse la simple croyance ». Méfiant, en dépit de son protestantisme, envers la tradition métaphysique qui fait le pari qu’il y a dans l’homme une âme immatérielle et immortelle, Locke en vient à définir le moi par la mémoire et par elle seule : « Aussi loin que la conscience peut être étendue en arrière à une action ou pensée passée, aussi loin va l’identité de la personne. » Plus exactement, ce qui fait mon identité est moins ma mémoire que la certitude qu’elle confère à mes actes d’être miens. Car, pour Locke, la mémoire retient non seulement ce qui arrive à la personne mais aussi l’acte de réflexion qui a accompagné l’expérience passée. La raison n’est pas extérieure à la mémoire, mais indissociable de son fonctionnement. C’est pourquoi la mémoire suffit à me définir : pour Locke, je suis ce que je me souviens être. Ce qui est oublié ne me définit pas. Locke assume pleinement les conséquences de cette identification du moi à la mémoire : si Socrate avait tous les souvenirs de Nestor, le héros de la guerre de Troie, il serait Nestor. De même, si on transplantait la mémoire d’un prince dans le corps d’un savetier, ce dernier deviendrait le prince qu’il se souviendrait avoir été. C’est donc le corps du savetier avec la mémoire du prince qu’il faudrait placer sur le trône !

 

La mémoire donne l’illusion d’une identité stable qui traverse le temps

David Hume (1711-1776)

S’oppose à René Descartes et à John Locke

Ouvrage de référence : Enquête sur l’entendement humain (1748)

L’Écossais rejette tout à la fois les théories de Descartes et de Locke. Il soutient en effet qu’il n’y a pas d’identité personnelle, pas de continuité du moi : « Quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur, de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d’autre que la perception. » Le moi n’est qu’un théâtre où passent et repassent les perceptions. Mais « il n’y a pas en lui à proprement parler de simplicité à un moment donné, ni d’identité à différents moments ». Si nous avons l’illusion de posséder un « moi », une identité stable, c’est à cause de la mémoire : en gardant une trace des sensations passées, elle crée l’impression qu’un seul esprit les manipule et les ordonne. Hume écrit, à propos de l’identité : « La mémoire contribue à la créer en produisant la relation de ressemblance entre les perceptions. » L’idée d’une identité stable qui traverse le temps n’est pas fondée en raison : elle repose sur une croyance générée par la mémoire qui n’est elle-même qu’une collection de souvenirs disparates et hétérogènes, et non une faculté possédée par le prétendu moi.

 

Ma mémoire conserve tout… de manière inconsciente

Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716)

S’oppose à John Locke

Ouvrage de référence : Nouveaux Essais sur l’entendement humain (1704, publié en 1765)

Quoi qu’en dise Hume, mon identité me paraît indubitable. Pour preuve : je ne doute pas que je suis la même personne entre le moment où je m’endors et celui où je me réveille. D’où vient cette certitude de la continuité de mon être ? Inventeur du calcul infinitésimal qu’il applique à la psychologie, Leibniz répond que les « liens de consciosité » sont assurés par les « petites perceptions » dont on ne s’aperçoit pas, un peu comme le bruit des vagues est composé de celui de chaque goutte d’eau que pourtant nous n’entendons pas. Autrement dit, mon identité ne repose pas uniquement sur un « je » transparent à lui-même comme le veut Descartes, ni sur une succession de souvenirs conscients comme l’affirme Locke. Au contraire, il faut admettre que toute activité psychique n’est pas consciente, que la mémoire va « confusément à l’infini ». Penseur de l’harmonie préétablie, Leibniz soutient de plus une hypothèse métaphysique hardie : mon individualité (qu’il appelle une « monade ») reflète de manière singulière, en raison de la place qu’elle occupe dans l’espace et dans le temps, la totalité du scénario de l’Univers. Je peux donc dire que je suis ma mémoire en ce sens que mon être conserve tout ce qui est arrivé et contient par avance tout ce qui arrivera. Mais cette mémoire élargie, infiniment riche, susceptible de me définir parce qu’elle contient mon passé et mon futur, n’est que virtuelle pour le « je » conscient : elle m’est inaccessible.

 

L’oubli est la condition même de la vie

Friedrich Nietzsche (1844-1900)

S’oppose à René Descartes

Ouvrage de référence : Deuxième Considération inactuelle (1874)

Nietzsche rejoint Hume dans sa critique du « je pense, donc je suis ». Ce fameux « je », pour Nietzsche, n’est qu’un pronom, pire, une « fiction grammaticale ». Mais cette fiction ne repose pas sur le fonctionnement naturel de la mémoire, ajoute Nietzsche qui s’éloigne ici de Hume, car l’être humain, comme animal, est naturellement oublieux. La mémoire n’est donc qu’un artifice, une création de la civilisation. Son développement a été commandé par ceux qui ont voulu faire de l’homme un animal obéissant, capable de tenir ses promesses : « On applique une chose au fer rouge pour qu’elle reste dans la mémoire: seul ce qui reste dans la mémoire ne cesse de faire souffrir. » Le « je » qui doit répondre de ses actes, qui doit rembourser ses créanciers ou comparaître devant un tribunal en cas de délit, est le résultat d’un tel dressage. Et si la mémoire participe de son édification, c’est dans la mesure où la douleur est « l’adjuvant le plus puissant de la mnémotechnique ». En conséquence, Nietzsche invite à repenser l’identité en l’affranchissant de la cruauté qui l’a générée. Dénonçant ceux qui s’intoxiquent avec leur mémoire, Nietzsche prône l’oubli parce que celui-ci est la condition même de la vie. La volonté en moi est affermie, décuplée, rendue plus libre et plus vivante par l’oubli, car « nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli ». Pourtant, Nietzsche ne condamne pas totalement la mémoire : elle est aussi une force active de sélection. Il y a de bons « ruminants », ce sont ceux qui n’utilisent leur mémoire que pour amasser les forces du passé et augmenter leur puissance d’exister. « L’histoire ne peut être supportée que par les fortes personnalités, pour les plus faibles, elle achève de les effacer. »

 

Conscience et mémoire s’excluent

Sigmund Freud (1856-1939)

S’oppose à René Descartes

Prolonge G. W. Leibniz et Friedrich Nietzsche

Ouvrage de référence : De l’interprétation des rêves (1900) 

Comme Nietzsche, Freud fait de l’être humain un champ de forces en conflit. Mais c’est surtout l’approfondissement de la notion d’inconscient, ébauchée par Leibniz avec les « petites perceptions », qui permet au père de la psychanalyse de mettre en valeur le rôle de la mémoire dans la construction de l’identité. Freud invente l’expression de « traces mnésiques » et montre que la mémoire qui me permettrait de connaître mon moi profond ne peut être que partielle, sinon déformante. Nous ne nous souvenons pas de notre toute petite enfance, par exemple. Freud invente aussi un concept particulier, celui de « souvenir-écran » (Psychopathologie de la vie quotidienne). Ces souvenirs, explique le psychanalyste, sont « anormalement clairs ». Le patient se les rappelle d’autant mieux qu’il a besoin d’oublier quelque chose d’autre qui s’est produit presque au même moment. Ainsi, vous vous rappelez parfaitement un événement banal, avoir perdu un bonnet, mais non un deuil qui vous a frappé deux jours plus tard. Les souvenirs-écrans permettent de cacher et de refouler des chocs traumatiques et de contribuer à la reconstruction de notre identité. Mais si les souvenirs les plus archaïques sont à jamais inaccessibles, enfouis en moi, et les traumatismes occultés en raison de leur caractère déplaisant ou inavouable, cela implique que le fondement de mon être m’échappe. Ma mémoire imparfaite me rend obscur à moi-même. Elle m’oblige à me satisfaire d’une histoire personnelle dont l’authenticité demeure incertaine, car « conscience et mémoire s’excluent » (lettre à Fliess, décembre 1896).

 

Le souvenir pur permet de saisir la profondeur de l’être

Henri Bergson (1859-1941)

S’oppose à Friedrich Nietzsche

Ouvrage de référence : Matière et Mémoire (1896)

Bergson, bon connaisseur des théories neuropsychologiques de son époque, refuse d’expliquer la mémoire par la seule matière. Il réhabilite le dualisme entre l’âme et le corps que Nietzsche contestait et promeut une « métaphysique positive ». Il y a, pour lui, deux mémoires : la mémoire-habitude et la mémoire pure. La première est un « mécanisme tout monté », issu de l’expérience du corps, qui aide à percevoir et à agir : « reconnaître un objet usuel consiste surtout à savoir s’en servir ». Le cerveau, centre sensori-moteur, serait l’organe de cette mémoire tournée vers l’action, spatialisée, qui sélectionne ce qui est utile pour vivre au présent. La seconde mémoire, qui est pour Bergson la vraie mémoire, est faite de tout ce qui n’est pas consciemment perçu et qui ne peut être appréhendé que par l’âme : « le souvenir pur n’intéresse aucune partie de mon corps ». Ni sensation ni même image, c’est ce type de souvenir qui me permet de quitter le présent toujours lié à l’action et de saisir la profondeur même du temps, c’est-à-dire de l’être, car, pour Bergson, seul ce qui dure est. Le passé est indestructible tout comme la mémoire qui ne s’en distingue pas, puisqu’« il est impossible de distinguer entre la durée, si courte soit-elle, qui sépare deux instants et une mémoire qui les relierait l’un à l’autre ». Spirituelle et non pas matérielle, irréductible au cerveau, la vraie mémoire est intégrale, parce qu’elle se confond avec tout ce qui arrive : elle n’est pas en moi, mais c’est moi qui suis en elle puisque pour trouver un souvenir, il faut s’installer dans le passé.

 

L’identité est ce que l’on se raconte être

Paul Ricœur (1913-2005)

S’oppose à John Locke

Prolonge Sigmund Freud

Ouvrage de référence : Soi-même comme un autre (1996) et La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (2000) 

Dans La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Ricœur conteste la théorie de l’identité de Locke parce qu’elle ignore la pluralité des mémoires et en particulier celle du corps. Il revisite l’exemple du prince et du savetier, proposé par Locke. Pourquoi le remplacement de la mémoire du savetier par celle du prince ne suffirait-il pas à transformer le savetier en prince ? Parce que la mémoire du corps du savetier viendrait interférer avec cette nouvelle mémoire psychique. Le savoir-faire qui est dans ses mains l’étonnerait et son attitude s’en ressentirait. Sur le trône, il ne s’assiérait pas du tout de façon princière et serait sans doute embarrassé par les couverts à poisson ! Mais si l’identité doit beaucoup à notre rapport au corps et au désir comme l’a vu Freud, elle se comprend mieux encore par le récit, soutient Ricœur : je suis ce que je me raconte être. C’est l’« identité narrative » qui permet de tenir ensemble les différents aspects du moi : d’un côté, mon identité est ce que je suis aux yeux des autres (tel homme, de tel âge, exerçant telle profession…) ; de l’autre, elle est façonnée par l’histoire que je me raconte à moi-même sur moi-même. Ainsi « l’opération narrative développe un concept tout à fait original d’identité dynamique ». Se raconter, c’est mettre en intrigue son propre vécu. Cependant, en raison de sa fragilité, la mémoire requise pour me reconnaître moi-même ne peut faire de la vie racontée qu’un « mixte instable entre fabulation et expérience ». La mémoire et l’imagination travaillent ensemble pour reconfigurer par le récit ce que je prétends savoir de moi. 

jeudi 1 décembre 2022

[Collège Lherm 8 Décembre 2022]

 


Le multiculturalisme est-il une limite à la capacité de faire peuple. Le droit peut-il donner le sens ?