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dimanche 26 avril 2020

2-05-2020 - Devenir ce que l'on est malgré ou grâce aux modèles ?

Elise nous propose un sujet sur l'injonction à la "perfection" par l'imitation de modèles sociaux. Mais cette imprégnation des modèles ne nous poussent pas qu'à la perfection. Si la perfection à cela de gênant qu'elle est "impossible" (ou très difficile) à atteindre et donc un espace d'épuisement et de frustration, les modèles nous poussent à bien d'autres choses. 

Le beau bébé, le gentil enfant, le parfait écolier, le lycéen studieux, l'étudiant stakhanoviste, la parfait fiancée ou le gendre idéal, le couple idéal qui va bien ensemble, les parents parfaits, les cadres engagés qui donnent du sens à leur travail, les retraités jouisseurs et sportifs qui semblent avoir 40 ans éternellement... mais aussi pourquoi pas le soldat qui meurt pour la partie, le gendarme héroïque qui se sacrifie pour sauver un otage, le punk qui assume sa déchéance, le rockeur qui est une idole pour es fans, la prof de math qui quand elle demande le silence l'obtient car elle a tant d'autorité, les modèles nous entourent. Mais ces modèles sont terriblement imposés et formateurs. Nous est-il cependant possible de devenir ce que nous sommes en les utilisant, les repoussant les choisissant.

Limitons notre sujet : Nous ne prendrons ici que deux types de modèle ceux issus du monde marchant (de la pub) et ceux issus de la société éducative/hiérarchique (les parents/profs/patrons).    

Un couple parfait de jeune retraité
A la question de Philosophie magazine : Qu’est-ce qu’une société qui fonctionne bien ?

Axel Honneth répond : "C’est une société dont l’environnement social, culturel ou politique permet aux individus de développer une identité autonome ou une relation positive à soi-même. C’est une société dans laquelle chacun devrait pouvoir devenir ce qu’il souhaite être sans avoir à en passer par l’expérience douloureuse du mépris ou du déni de reconnaissance."

L'importance de la représentation et de l'image sont c'est vrai, prégnante. Mais comment l'enfant ou celui simplement qui se cherche, va t il évaluer le mépris, le déni ou la qualité de la reconnaissance que va lui donner la société?

Le même  Axel Honneth nous déclare : "Si les possibilités d’épanouissement individuel se sont élargies (avec l’éducation, les voyages, le temps libre, la consommation, etc.), elles se trouvent désormais détournées au profit de l’idéologie managériale de la performance économique. On peut à cet égard parler de régression morale. Le principe de réalisation de soi ainsi instrumentalisé donne naissance à de nouvelles pathologies – sentiment de vide intérieur, d’inutilité, d’anxiété, etc. L’énorme pression néolibérale contraint les individus à se penser eux-mêmes comme des produits et à se vendre en permanence."

Les modèles imposés\proposés par la société de consommation

Dans le film la Famille Jones, la famille emménagent dans la banlieue chic d'une petite ville américaine, ils apparaissent tout de suite comme une famille idéale. Non seulement ce sont des gens charmants, mais ils ont en plus une magnifique maison et sont mieux équipés que toutes les autres familles du quartier. Le problème c'est que la famille Jones n'existe pas : ce sont les employés d'une société de marketing dont le but est de donner envie aux gens de posséder ce qu'ils ont... Les voisins vont succomber les uns après les autres jusqu'à ne plus pouvoir survivre.

Sommes nous condamnés à n'apparaître que comme existant par apport à des modèles préexistants. Le site https://www.tendances-de-mode.com/tag/look nous présente une liste de styles possibles en voici quelques uns :
-Le look androgyne
-Le look BCBG
-Le look bobo
-Le look bohème
-Le look chic
-Tenues mode pour femme de 20 ans
-Tenues mode pour femme de 30 ans
-Tenues mode pour femme de 40 ans
-Tenues mode pour femme de 50 ans
-Tenues mode pour femme de 60 ans
-Le look hippie
-Le look de la Parisienne
-Le look rock

Rien n'interdit de panacher est d'être par exemple une parisienne Rock Chic. Mais gare à celui qui n'est pas référencé, existe t il encore ? Quid de la femme de 70 ans et plus ?

Tous ça pour être un produit maquetté facilement repérable, une sorte de chose avec des logos et des étiquettes repérables de loin.

Pour Dominique Cardon, directeur du Médialab de Sciences-Po, auteur d’À quoi rêvent les algorithmes (Seuil, 2015), un changement global a bien eu lieu. « Au début, Internet, c’étaient des pages qui se likaient elles-mêmes via des liens hypertextes. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de reconnaître de l’autorité à un contenu mais de manifester l’appartenance d’une personne à un réseau. On crée une économie de la considération, dans laquelle être “aimé” équivaut à multiplier les chances d’obtenir de ces autres identités numériques des signes d’estime. La seconde remarque contre-intuitive est qu’Internet n’est pas un Far West de haters, qui s’insultent et polémiquent. » La réalité statistique montre en effet que les signaux envoyés sont au contraire pleins d’amour. Ainsi, parmi les dix hashtags les plus employés chaque jour sur Instagram en France, #love est en tête… « L’on attend des Like d’autrui d’être valorisé. Il est commode d’en conclure que cet attracteur psychologique n’est qu’un petit moteur narcissique. Je pense au contraire qu’il est fondamentalement relationnel, qu’il manifeste nos liens de considération mutuelle. La fonction du Like est d’abord sa réciprocité. Cela participe d’une économie de l’échange, du contre-don, voire du forçage de l’amour. Il s’agit d’un phénomène individuel-collectif : on a besoin d’individualisation mais aussi de singularité, d’être original mais validé. Le Like encapsule ces nouvelles configurations existentielles et cet immense désir de sociabilité. »

Se reconnaître pour naître donc, mais le temps  de découverte est de plus en plus court, nous courrons, zappons, faisons défiler à toutes vitesse. Les articles sont donc courts et les images se doivent d'être vite jugées. Pour cela il faut pouvoir référencer rapidement et par apport à quoi référençons nous ?

Les modèles hiérarchiques et éducatifs

Les modèles de référence qui vont faire action de "Mentor" ne sont pas que sur Internet, ni 
lié à la société de consommation.  C'est aussi le pouvoir que nous recherchons. Le modèle ou  « rôle modèle » est théorisé par Robert King Merton. Dans "Eléments de théorie et de méthode sociologique", un recueil d'articles écrits entre 1936 et 1950, le sociologue américain établit une typologie d'adaptation individuelle à la société : le conformisme, l'innovation, le ritualisme, l'évasion, la rébellion... Un rôle modèle est une personne dont le comportement, l'exemple ou le succès est ou peut être imité par les autres, en particulier par les jeunes.

La question du modèle et la propension à s'en échapper ont été étudiées par le professeur Henri Laborit. Le film Mon oncle d'Amérique du cinéaste Alain Resnais parle de ses théories en racontant les déboires d'un cadre joué par Depardieu.



Alors, peut-on encore devenir ce que l'on est malgré l'injonction à être rapidement identifiables comme un des modèles sociaux?







Extrait de l'interview de Henri Laborit  ou on voit l'importance des modèles dans sa vie de famille!
"H.L.: Je ne l'ai pas beaucoup connu. Il s'est fait zigouiller à 24 ans, juste avant le libération. C'est peut-être une des rares fois où je le raconte. C'est ma mère qui a tué mon frère... Elle était très pétainiste et c'est elle qui a incité mon frère à devenir membre de la milice (la collaboration avec l'ennemi). Un jour, mon frère a dû la prendre avec lui dans sa caserne, à Poitiers, parce qu'elle était en butte à une certaine haine de la part des gens de sa région. Les Anglais ont bombardé la caserne. Ma mère a été blessée et mon frère descendu par un résistant. Quand Pétain et les miliciens sont partis pour l'Allemagne, ma mère les a suivis. Lorsqu'elle est revenue, on l’a arrêtée et foutue en taule à la Conciergerie. En tant que héros de Dunkerque, croix de guerre avec palme, cité à l'Ordre de la nation, etc., j'ai écrit à de Gaulle.

Je lui ai dit: voilà ma guerre. Peut-être que s j'étais resté en France, ma mère n'aurait pas conduit mon frère à devenir capitaine de milice et qu'elle-même n'aurait pas pris le parti des pétainistes. C'était une position strictement idéologique et de classe, parce qu'elle s'appelait de Saulnière! La mort de mon frère est une mort de classe! De Gaulle a fait libérer ma mère. A ce moment-là, j'étais chirurgien de l'armée, à Toulon. Elle est venue me rejoindre. Un matin, deux gendarmes se sont présentés avec un ordre d'arrêt. Ils ont emmené ma mère à Poitiers. On lui a fait un procès. Je suis allé déposer en uniforme. Elle a été condamnée à deux ans de taule, destituée de ses droits civiques et elle a perdu la pension de mon père. A sa sortie de prison, je lui ai trouvé une villa à Arcachon. Elle s'est occupée de mes trois garçons pendant un temps. Elle est finalement morte d'un cancer d'estomac, le 15 février 1953. Le lendemain, je partais en mission en Indochine. "



Le modèle est un guide vers soi-même


Pourtant le modèle est aussi un révélateur de soi à soi. C'est dans la rencontre que se forge nos aspirations à devenir. Qui n'a pas eu un prof qui l'a changé pour toujours? Un ami qui lui dit un phrase qui fait avancer vers ce qu'il est devenu en accord avec ce qui l'est ?

Alors, peut-on encore devenir ce que l'on est malgré l'injonction à être rapidement identifiable comme un des modèles sociaux, malgré l'écrasant rouleau compresseur qu'est le modèle éducatif ou/et hiérarchique et si le modèle pouvait aussi être un révélateur ? Comment faire le tri entre tous ces modèles.

Articles à lire 
https://www.eveprogramme.com/14833/cest-quoi-un-role-modele/

http://lionel.mesnard.free.fr/le%20site/henri-laborit.html  (très bel interview de Laborit)


Comment se connecter :
Pour vous connecter à la conférence téléphonique du 2/05/2020 à 11h composer le 07 56 75 00 45 puis quand on vous invite à taper votre code taper le 326257# (la conf sera ouverte à partir de 11h). Le message est en anglais, aussi pour ceux qui ne sont des spécialistes de la langue de Shakespeare, il suffit d'attendre que le message se termine pour taper le code 326257# . Le système vous demande alors de dire votre nom et vous rentrez automatiquement dans la conférence.  

Vous pouvez aussi vous exprimer par écrit et communiquer depuis un ordinateur par le lien suivant: https://docs.google.com/document/d/1nadtuqlZS7w8tirPlAAPkRsvn1NaEC7tkeGY0r1MrX4/edit?usp=sharing  
* Ce service fonctionne depuis des fixes comme des portables. Il est même possible d'utiliser internet si vous le souhaitez en vous connectant sur le site https://www.freeconferencecallhd.com/  ou en téléchargeant l'application Conferencecallhd sur votre portable.


Notes prises à la volé pendant le débat :
Christian : Comment échapper aux modèles ? 


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Pas de publicité à l'école
Dans le prolongement logique du principe de laïcité, qui doit préserver la liberté d'opinion et défendre le sens critique, et en vertu de sa vocation émancipatrice, l'école s'est tôt méfiée de la publicité en son sein. Le principe de son interdiction a ainsi été fermement posé depuis 1936, pour être réaffirmé solennellement en 1952 puis dans les circulaires de 1967 et 1976.
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Les modèles d’efficacité sont les machines (ordinateur) .

Françoise :
Formatage de l'individu, le bon petit soldat client du capitalisme

[Séquence 5] De l’information à la connaissance, le professeur plus que jamais indispensable - Intervention de la mission Monteil : https://www.dailymotion.com/video/x38ne55




Geneviève:  Peut on échapper aux modèles, on est soit avec soit contre ? Ou on se les façonne à notre sauce en fonction de ce qui nous parle, de ce que l’on est…mais il faut assumer cette “différence”.

Ne devrions nous pas développer le sens critique des enfants ? Comment procéder, comment armer nos enfants face à ce système d’injonctions (pubs et autres…) ? Diversifier les modèles, une solution ? 

Bonjour, c’est Elise, on parvient à choisir entre nos modèles. Se détacher totalement c’est pas facile.

Caroline : Modèle et héritage. lucky strike: la série mad men
je vois sur le lien: 
Barnays neveu de freud!!!  c’est ca!!!

Jean : Ce qu’il faut c’est comprendre la façon dont on nous force les modèles. La propagande. Les mécanismes d’influences. Pour s’en méfier. 

Il est inadmissible de casser une bouteille pour la refaire!

1 commentaire:

  1. Je me suis demandée si c'était un sujet sur l'amour ou les modèles sociaux...?

    C'est extrêmement fourni, parfois je me demande si le thème "Représentations" et "Amour ou sentiments" ne sont pas trop imbriqués (à tort ?). Quand on parle de modèles sociaux pour moi c'est plus large, ou alors il faut entrer dans le vif du sujet et définir de quel amour on parle. Certes l'être humain a besoin d'être aimé, mais quel amour cherche-t-il ? Il souhaite juste être "apprécié, bien vu" pour pouvoir vivre plus "tranquille" dans son quotidien (d'où les like sur réseaux sociaux, peut-on appeler cela des preuves d'amour ?? Pitié !!) ? Ou c'est d'un amour épanouissant et structurant dont on parle ? Pour moi ce n'est pas le même sujet et pourtant j'ai l'impression ici que tout est mélangé. Ou c'est moi qui suis trop ancienne école, vieux jeu, ringarde.

    Toutefois cela ouvre le sujet et si c'est le but ici, ok. Mais j'espère que l'on précisera ce dont il s'agit, sinon j'ai peur que le débat se disperse sur le sujet de l'amour, se faire aimer... et les Représentations sociales dans tout ça ??

    Bien sûr qu'agir c'est essayer de se faire aimer, qu'on ne nous oublie pas, exister... la frontière entre l'essence du sujet (au sens psychologique du terme) et le regard de l'autre dans la société, coller à une image pour être soulager d'être légitime à vivre dans cette société de mouton etc, cette frontière donc est ténue. Les modèles sociaux peuvent guider ou détruire.

    Oups je suis vive là. Mais je suis tellement certaine que l'on peut vivre sans être "totalement" happé par cette folie vertigineuse de ce que l'on nous 'impose' à faire ou être.

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