Accéder au contenu principal

21 janvier 2017 - Et si on en parlait ?

*





Il est des sujets que l'on ne peut évoquer simplement et l'on commence toujours par se poser la question de leur pertinence. 
En France, Avec entre 10000 et 12000 victimes par an soit près de 4 fois plus que le nombre de décès sur la route, ce n'est pas la rareté de l’événement qui en fait un sujet dérisoire. Pourquoi dont alors se poser la question de cette pertinence. Le suicide est-il tabou d'en parler? ....

C'est assurément un sujet grave et difficile, qui ne manque pas de nous effrayer et dont nous allons pourtant  parler : 

Le suicide



Wijipédia nous raconte que : "Chaque année, plus d'un million d'individus se suicident. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le suicide est la treizième cause de mortalité la plus fréquente dans le monde et le National Safety Council le classe sixième des causes les plus fréquentes aux États-Unis. Le suicide est la cause principale de mortalité chez les adolescents et adultes âgés de moins de 35 ans. La prévalence du suicide est trois à quatre fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Les tentatives échouées de suicide dans le monde sont estimées entre 10 et 20 millions chaque année."

Alors le suicide c'est quoi :  un acte irresponsable? un acte désespéré ? un crime ? une maladie ? l'expression d'une liberté totale ? le début de la philosophie ? le seul acte conscient dans une société absurde ?  Une erreur ? Le propre de l'homme ? .....




Le suicide est-il le début de la philosophie?


Peut on et doit on vivre raisonnablement dans un monde absurde?


Hégésias de Cyrène pensait que, le bonheur étant chose impossible, et le corps étant accablé de malheurs, la mort était préférable à la vie. Surnommé « Celui qui pousse à la mort », il a été exilé, son école fermée, et ses livres bannis par le roi Ptolémée III.
Socrate pensait que la croyance que l’on va rejoindre les dieux et certains morts rend injuste la révolte contre la mort. Il ne s’est pourtant pas suicidé, il a seulement refusé de fuir la mort pour rester un philosophe digne qui assume ses actes.
Platon le disciple de Socrate aurait détallé, pour empêcher les athéniens de commettre un second meurtre ignominieux. Il invitait à se libérer de notre corps de mort pour accéder à la vie intelligible, pas jamais par le suicide, c’est par l’ascèse philosophique. Il serait bien de donner un coup d’œil dans ses Dialogues. Ses textes frisent parfois la contradiction. Il traite du suicide dans Le Phédon. Platon affirme qu’ « il n’y a que les insensés qui se réjouissent de la mort ! Les humains sont assignés à résidence et nul n’a le droit de s’affranchir de ces liens pour s’évader. Les dieux sont nos gardiens et nous sommes le troupeau. Il ne faut donc pas se donner la mort, avant qu’un dieu ne nous envoie un signe ».
Nietzsche est une grande figure de la philosophie du suicide. « La pensée du suicide est une puissante consolation : elle nous aide à passer maintes mauvaises nuits. » (Par delà bien et mal). « Il y a un droit en vertu duquel nous pouvons ôter la vie à un homme, mais aucun qui permette de lui ôter la mort : c’est cruauté pure et simple. » (Humain, trop humain). « Abstraction faite des exigences qu’imposent la religion, il sera bien permis de se demander : pourquoi le fait d’attendre sa lente décrépitude jusqu’à la décomposition serait-il plus glorieux, pour un homme vieilli qui sent ses forces diminuer, que de se fixer lui-même un terme en pleine conscience ? Le suicide est dans ce cas un acte qui se présente tout naturellement et qui, étant une victoire de la raison, devrait en toute équité mériter le respect… (Humain, trop humain). Retenons que Nietzsche non plus ne s’est pas suicidé. Il aurait détraqué avant d’être témoin de sa lente décrépitude.
Albert Camus est un philosophe du suicide. Il en parle dans Le mythe de Sisyphe. Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux, aimait-il affirmer, c’est le suicide. Le suicide est une solution à l’absurde. Mais Camus ne s’est pas suicidé malgré la conscience aiguë qu’il avait de l’absurdité de l’existence et du non sens de nos recherches.
Emile Cioran est aussi un penseur pessimiste, héritier impénitent de Nietzsche et d’Arthur Schopenhauer. Dans « De l’inconvénient d’être né », Cioran montrait que la vie est une farce, une sorte de maladie dont le ridicule est à son comble. Sa position reste toutefois ambiguë. « Je passe mon temps à conseiller le suicide par écrit et à le déconseiller par la parole. C’est que dans le premier cas il s’agit d’une issue philosophique ; dans le second, d’un être, d’une voix, d’une plainte… »
Ce tour d’horizon non démocratique de la question du suicide ne nous montre que des avis favorables au suicide. Celui qui pense que l’un ou l’autre de ces philosophes a raison, peut retenir ou apporter son aval au suicide comme une fin en douceur, une solution qu’aucun de ces défenseurs du suicide n’a adoptée pour soi-même. Peut-être la vie valait autrement la peine d’être vécue ?
La vie est un bien précieux sur lequel nous n’avons normalement aucune prise. La vie est donnée, le temps aussi, le temps de la vie davantage. Nous sommes de simples intendants d’un précieux bien contenu dans des vases d’argile. La vie nous échappe, elle déborde notre pouvoir d’user et de disposer.  Elle peut être falsifiée, elle peut être bradée en certains cas. La morale nous enseigne que c’est le sommet de l’indignité.  On ne subit pas la vie, elle reste un combat à assumer.  Personne n’a eu  la réussite facile, elle cache toujours une vie dramatique, des années de privations. Trouver que la vie est trop difficile pour chercher le soulagement dans la mort est  à mon sens une capitulation abjecte, une liberté poussée trop loin.
Voilà pourquoi pendant longtemps, les législations de nos pays laïcs, j’entends nos pays de la sortie de la religion (Marcel Gauchet), ont hésité à autoriser l’euthanasie, qui ne s’appelle pourtant pas suicide.  D’ailleurs, de l’éthique médicale à la philosophie, il peut y avoir un hiatus. Aujourd’hui quelques pays ont ouvert la porte à l’euthanasie flanquée d’une kyrielle de conditions, sinon, le tribunal. Cela doit faire réfléchir. L’euthanasie est une question réglée par le progrès de la médecine. La thèse de la douleur atroce ne tient plus. A ma connaissance, aucune loi (laïque, anti religieuse ? ), n’a encore autorisé le suicide. Il se peut que je sois mal informé. C’est le moment d’apprendre quelque chose de vous, lecteurs. Le suicide, d’accord pour des raisons que nous ne pouvons savoir, mais après le suicide, l’acte sera qualifié par la morale. Tuer est un acte intrinsèquement mauvais. Se tuer ou se suicider ne l’est pas moins. Non seulement le suicide serait immoral, mais il serait un acte irresponsable.
Emmanuel AVONYO

Les excellents articles :



Posts les plus consultés de ce blog

College 6/05/2024 - Qui veut, peut ?

Quand on veut, on peut ?  Est-ce vrai, si ce ,'est pas vrai alors pourquoi le dit on ?  https://www.youtube.com/watch?v=tErZSF1vH1k Quand on veut, on peut... Vraiment ? La question philo par Charles Pépin Un article chez france Cuture  Un article chez france Cuture  https://www.youtube.com/watch?v=-JVH4qSJO_s

Lycée - 14 mai 2024 - Peut-on lancer un nain qui le veut bien ?

L’affaire dite du lancer de nain Le Maire de Morsang-sur -Orge avait interdit sur sa commune une attraction foraine dite "du lancer de nain". L’arrêté municipal avait été attaqué devant le TA de Versailles qui en avait ordonné l’annulation. Saisi par un pourvoi, le Conseil d’Etat annule ce jugement en insérant la dignité de la personne humaine à la liste des "principes généraux du droit" qui autorisent par décret ou arrêté les autorités publiques à prendre telle ou telle décision fondée non sur une loi (inexistante) mais sur l’un de ces principes dégagés par la jurisprudence administrative ou constitutionnelle. Le paradoxe de cette affaire est le suivant : le nain était parfaitement consentant et c’est sa dignité qu’il mettait en avant à l’appui de sa requête contre l’arrêté municipal : selon lui, ce travail lui avait redonné sa dignité (avant il vivait du RMI). Or, le Conseil d’État ne lui a pas donné raison : à la dignité invoquée par le nain, il a été opposé la d...

Poutine pourrait-il avoir raison ? Serions nous décadents ? Médiathèque 28 Septembre 2024

  S'interroger sur la notion de décadence, nous semble une nécessité. La décadence est un mot peu usité et son sens est le plus souvent lié à l'usage "historique" du mot dans ce qui supposé être la chute de l'empire romain. De manière plus religieuse ou cinématographique c'est la référence à Sodome et Gomorrhe qui est activée. La définition de la décadence donnée par le dictionnaire Larousse est celle-ci : 1. État d'une civilisation, d'une culture, d'une entreprise, etc., qui perd progressivement de sa force et de sa qualité ; commencement de la chute, de la dégradation : Entrer en décadence. 2. Période historique correspondant au déclin politique d'une civilisation. Ce que nous dirait Poutine, c’est donc que notre civilisation occidentale est finissante. Nous pourrions lui objecter que les difficultés qu’il rencontre pour « achever la bête », semble bien prouver le contraire. Pourtant, sa parole raisonne dans les médias et elle nous trouble et...