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Transformer la nature est-ce gagner en liberté ? Collège Lherm-Casablanca



 

La nature




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Corrigé proposé par Philo-magazine












Introduction

Les êtres humains se caractérisent par l’action de transformation de leur environnement nécessaire à la survie de l’espèce. Grâce au travail et par l’intermédiaire des techniques, ils forcent en quelque sorte la nature à leur fournir ce qu’elle ne leur offre pas d’elle-même. Au cours de l’histoire de l’humanité, l’évolution de l’organisation du travail ainsi que les progrès des techniques ont permis d’améliorer les performances du corps humain et de déléguer à des machines des tâches nécessaires à la vie quotidienne. Les êtres humains dégagent ainsi du temps pour se consacrer à autre chose et développer leurs facultés. Par conséquent, transformer la nature conduit à se libérer d’un certain nombre de contraintes et à cultiver des aptitudes qui séparent toujours plus l’être humain de la simple animalité.

Pour autant, établir une équivalence stricte entre transformation de la nature et libération de l’humanité par elle-même revient à réduire la liberté à une simple augmentation de puissance. Par conséquent, cette vision de la liberté assimile liberté et indépendance, c’est-à-dire l’affranchissement ou réduction des contraintes et des obstacles. Or les artifices humains contribuent à créer d’autres contraintes et d’autres formes de dépendance. À commencer par notre dépendance à la croissance économique, donc au travail et à la technique…

1) Le travail et le développement technique nous rendent “comme maîtres et possesseurs de la nature”

Pour reprendre une célèbre formule de Descartes, grâce à la science et la technique, l’homme devient au fur et à mesure « comme maître et possesseur de la nature ». La technique est donc représentative de la maîtrise que l’être humain acquiert sur les choses. Par le travail, c’est moins l’homme qui est soumis à la nature que l’inverse : la technique libère l’humanité en utilisant les lois de la nature dans le sens de ses intérêts et de ses désirs. L’innovation technique bouleverse ainsi des limites naturelles a priori infranchissables. Par exemple, les technologies de la communication nous affranchissent du temps et de l’espace grâce au transfert instantané de l’information.
La médecine, par l’intermédiaire des greffes, du clonage, de l’assistance à la procréation, repousse les limites de la vie.

2) Mais nos artifices sont également vecteurs de nouvelles formes de dépendance

Les difficultés à enrayer le processus de réchauffement climatique montrent que l’innovation technologique obéit à la logique incontrôlée de la croissance économique. Comme si ce qui est en théorie techniquement faisable devait être obligatoirement rendu possible au nom de la croissance, donc de la consommation. Quitte à créer pour cela des besoins que nous n’avions pas hier. Autrement dit, les innovations en entraînent d’autres sans que nous ayons le pouvoir collectif d’en décider et sans prise en compte de nos besoins réels, des coûts environnementaux, des conséquences éthiques de certaines inventions (clonage, OGM…). De même, nous constatons qu’au lieu de nous libérer du travail, l’incessante amélioration de nos moyens de transformation de la nature induit de nouvelles tâches venant remplacer les anciennes.

3) Pour autant, “transformer la nature” fait partie de… la nature de l’homme

Le constat précédent ne doit toutefois pas conduire à prôner le retour à une sorte de relation originelle à la nature, comme si notre destin était de redevenir des chasseurs-cueilleurs !

Dans n’importe quelle société, la « nature pure » n’existe pas. Toutes les cultures, jusqu’aux plus traditionnelles, opèrent une transformation de la nature. En effet, comme le montre Platon à travers le mythe d’Épiméthée qu’il expose dans le Protagoras, la nature de l’homme est de ne pas en avoir. Être faible et mal armé contre les agressions naturelles, l’être humain a pour obligation de construire les moyens de se défendre et, pour cela, d’opérer une transformation de son environnement.

Par conséquent, pour être libératrice, la transformation de la nature doit moins à viser à s’en affranchir totalement – ce qui est impossible et contre-productif – qu’à rechercher un certain type de rapport avec elle : la relation qui existe, par exemple, entre un artisan et la matière qu’il travaille. Pour vaincre la résistance de la matière, il doit la connaître et en respecter les particularités. Dans la fabrication artisanale, un dialogue s’établit entre l’artisan et la nature : celui-ci la transforme, il en fait en quelque sorte ce qu’il en veut, mais à condition de l’« écouter ».

Conclusion

Afin d’être émancipatrice et épanouissante, il faut que l’activité humaine reste bien une relation – ce qui suppose au moins deux termes – à la nature, c’est-à-dire à une réalité hors de nous-mêmes où les individus n’ont pas vocation, à terme, à ne rencontrer qu’eux-mêmes, comme si la nature avait disparu au profit du seul artifice.

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