Gagner de l'argent ?
Cet esprit de compétition sur-développé pourrait provenir d’un manque de confiance en soi? Parce que l’on se sent complexé(e), on veut prouver qu’on est le/la meilleur(e) et qu’on mérite notre place.
Ref : https://www.philomag.com/articles/pourquoi-voulons-nous-etre-riches
Parce que l’argent est un nouveau Dieu
Friedrich Nietzsche (XIXe siècle)
L’amour de l’argent est une caractéristique de la modernité qui, selon Nietzsche, a rejeté la sagesse du juste milieu. L’homme moderne désespère de voir l’argent « s’entasser trop lentement » (Aurore). Plus profondément, c’est un « fanatisme du désir de puissance » qui trouve dans l’argent son moyen d’expression privilégié. En lien direct avec le thème de la « mort de Dieu » et le ruissellement du nihilisme, Nietzsche tient que « les moyens du désir de puissance ont changé » : l’ère du nihilisme est celle où l’amour de l’argent supplante l’amour de Dieu, et où ce n’est ainsi plus ni Dieu ni la Vérité qui vous donnent bonne conscience, mais le montant de votre relevé de compte (s’il est élevé !).
Parce que nous sommes angoissés
John Maynard Keynes (XXe siècle)
La motivation première à devenir riche serait d’ordre psychologique et pulsionnel. Dans une analyse très freudienne des mécanismes psychologiques de la quête du gain, Keynes affirme que celle-ci manifeste l’angoisse des individus face à l’avenir et à la mort. Aux yeux de l’économiste, ceux qui désirent devenir riches « cherchent toujours à conférer à leurs actes une immortalité empruntée et illusoire en reportant l’intérêt de ceux-ci plus avant dans le temps » (Perspectives économiques pour nos petits-enfants). Les richesses accumulées nous permettent de dilater le temps et nous apparaissent – à l’instar d’un père ou d’un dieu – comme une protection, quand le malheur découle en grande partie de l’absence de protection.
je ne peux m'empécher de penser ici au syndrome de Diogène (encore un sens pris à contre sens puisque Diogène ne possédait rien qu'un manteau et un baton)
Pour nous distinguer
Jean Baudrillard (XXe-XXIe siècle)
« Les objets, comme l’argent, ont une fonction première de signification du statut de leur possesseur, avant même leur fonction de satisfaction des besoins », écrit Baudrillard en 1976 dans La Consommation des signes. Pour le sociologue, nous désirons acquérir de l’argent afin de nous distinguer au sein des échanges de marchandises. Cependant, il distingue les nouveaux riches, qui étalent leur fortune, des vrais possédants, qui pratiquent le langage subtil de la « sous-consommation ostentatoire », affichant ainsi une sobriété qui passe d’autant plus pour de la vertu que le montant de leur la fortune est élevé.
Mais finalement gagner toujours plus mais vouloir ganer vouloir toujours plus, c'est pathologique ou juste humain ?
Avoir plus aurait été permis par la fin d'un mode de vie nomade, et avec l'agriculture serait venu l'heure des angoisses (météo, insectes, vols, ...) et donc la volonté de stocké. Il suffit de penser aux chasseurs-cueilleurs : leur problématique était surtout de ne pas se surcharger avec des possessions inutiles pour ne pas entraver leur mobilité. « Le désir illimité d’argent n’est pas une passion innée ; il a fallu rien moins qu’une morale, une économie, une politique nouvelles pour l’implanter dans le cœur de l’individu moderne et lui faire (bien) comprendre son intérêt », souligne le philosophe Camille Riquier
Historiquement, la notion de pléonexie, c’est-à-dire le fait d’en vouloir toujours plus, qui apparaît en Grèce antique trahirait une nature viciée, ce désir d’avoir plus que les autres. Mais gagner c'est aussi être plus que les autres. L'être rejoint ici l'avoir. Si j'ai plus, je suis plus sereint et si je suis plus (fort, rapide, intelligent) je sais comment avoir plus.
« Prenons, par exemple, le texte ancien où Glaucon, dans le livre II de La République, se demande "jusqu'où la passion (épithumia) peut conduire". Question rhétorique car Glaucon lui-même pressent la réponse. Il indique en effet, une ligne plus loin, qu'elle conduit à la "pléonexie". Qu'est-ce que la pléonexie? C'est le "désir d'avoir toujours plus" – le terme est formé de pléon (plus) et echein (avoir), donc littéralement "avoir plus", mais avec, en grec, un sens qui dénote l'injustice, à la suite d'actions faites sur le dos d'autres individus. Mais plus de quoi ? Plus de biens, plus d'argent, plus de possessions, plus de jouissance, plus de pouvoir, bref, plus de tout ce qui sert à satisfaire l'orgueil, l'amour de soi, la cupidité, la concupiscence. C'est bien sûr là que Socrate intervient pour identifier ce personnage comme destructeur de notre Cité, de l'être-ensemble. Le "pléonexe", le grand avide, est celui qui veut toujours plus, au risque même de tout détruire autour de lui. » — Dany-Robert Dufour